Entourée de concentrés anti-âge, cernée par les peelings revivifiant ou autres sérums réparateurs, Angèle (Nathalie Baye) aborde avec difficulté la quarantaine. Rassurez-vous, il n’est aucunement question du dernier dossier en date d’un magazine féminin sur les affres du vieillissement mais du portrait subtil d’une employée d’un institut de beauté. Celle-ci, traumatisée par une histoire d’amour qui a mal tournée et dont on ne saura pas grand chose (excepté la trace d’une cicatrice qui défigure son ancien amant interprété par Jacques Bonnaffé), a choisi une existence sans risques. « Que personne ne m’aime », tel pourrait être le credo existentiel de cette femme dont la solitude n’est interrompue que par des aventures sans lendemain avec des hommes rencontrés, dragués dans les cafétérias. Malgré des thèmes aussi éternels, pour ne pas dire galvaudés, tels que l’amour ou la peur de la solitude et du temps qui passe, Tonie Marshall réussit à ne jamais tomber dans les clichés. Pour atteindre ce petit miracle la réalisatrice fait balancer, sans cesse, son film entre légèreté et gravité.

L’institut « Vénus Beauté » est le théâtre d’un défilé continu de clientes les plus extravagantes les unes que les autres. Entre l’adepte impudique du bronzage intégral (Claire Nebout), l’habituée des bals costumés qui nous apparaît déguisée en cosmonaute, ou la présence onirique d’Edith Scob (l’interprète inoubliable des Yeux sans visage de Georges Franju), on ne sait plus ou donner de la tête. Tout ce petit monde est régenté par Nadine (Bulle Ogier), toujours prête à gratifier ses employées de vérités premières tout droit sorties d’emballages de cosmétiques. Mais cet univers de l’apparence n’est qu’une bulle rose posée sur le trottoir et lorsque la caméra de la réalisatrice se place à l’extérieur, elle retrouve toute sa gravité.
L’inventivité dont la réalisatrice fait preuve dans les situations frivoles laisse alors place à une très grande sensibilité. Sa description de l’itinéraire d’Angèle, finalement ébranlée dans ses certitudes par l’apparition d’Antoine (Samuel Le Bihan) qui va l’aimer naïvement, follement, se fait tout en finesse. L’interprétation de Nathalie Baye qui trouve là un de ses meilleurs rôles depuis Un Week-end sur deux (1989) de Nicole Garcia, ne fait que renforcer la justesse des sentiments décrits. Proche d’un Jacques Demy, aussi bien par les choix chromatiques des néons roses et bleus éclairant la boutique que par un univers composé de gravité légère, Tonie Marshall réussit là son meilleur film.