Que met-on dans un polar français sympatoche ? Des acteurs pas trop chers et du déclinisme social – province en berne, chômeurs avachis sur le zinc. Ici : Aure Atika, son parler racaille et sa féminité agressive, Jonathan Zaccaï, un Berling en plus jeune et ahuri, corps neuf remplissable à loisirs ; enfin Bernard Le Coq, fripouille télévisuelle moins honteuse sur grand écran depuis ses rôles chez Chabrol, vague référence à laquelle le film se raccroche dans ses meilleurs moments. Même ironie de façade qui n’empêche pas la mise en scène de s’évertuer à tout maîtriser, même tentation de flétrir l’intrigue par le décorum. Cela dit, Stéphane Allagnon est à la fois plus trivial et plus ludique, vrai conteur refoulé. Par peur du vide, par angoisse du premier film, on ne sait pas vraiment.

Le pitch : un informaticien débarque un lendemain de tempête restaurer le disque dur d’une centrale de supermarché. De magouilles en suspicions, une possibilité claire et nette s’offre à lui : rafler un magot déjà subtilement détourné par le patron local (Le Coq). Stéphane Allagnon se pose la même question : plonger à corps perdus dans le genre ou le regarder de côté, conscient des risques, de l’ampleur de la tâche ? Ce tiraillement fait office de rythme, non sans doigté. Le film est très bon dans l’hébètement, lorsqu’il tord les dynamiques, vif dans la mise en place (la formation du petit groupe, en deux plans et trois dialogues goguenards, les premiers signes de la magouille) lymphatique dans l’action (la poursuite finale en BX, pas mal dans le suspens mou du genou).

Mais à mesure que le film approche de la fin, il se prend à son propre piège, hésitant toujours quant à la marche à suivre, la série B ou sa relecture franchouillarde, plutôt son commentaire. Lequel désamorce la tension, d’où une redondance de principe : le film s’anime alors en grinçant, visant au mieux un suspens hybride. Les pièces du puzzle scénaristique ne s’emboîtent pas très bien, pour cause de paresse ou de maladresse, les personnages restent figés dans leur rôle de figurines de BD, fixés sur les rails du scénario. Vent mauvais aurait pu s’avérer remarquable, porteur d’espoir s’il ne se résignait, par défaut, à la sympathocherie, truculence dont la modernité reste encore à prouver.