Les fans de cinéma fantastique reconnaîtront sans mal que le mythe du vampire est un des plus élaborés et des plus charismatiques du genre. Ainsi, l’idée de voir John Carpenter -réalisateur de plus de quinze films fantastiques-, s’attaquer de plein front aux créatures de la nuit, est plus que réjouissante. Ici, point de poésie et de miévrerie, point de vampires cultivés en costume du XVIIIe siècle mais des créatures aussi proches de l’animal qu’elles le sont de l’homme. Hirsutes, griffus, les suceurs de sang de Carpenter sont très convaincants. On est loin des personnages sur-esthétisés de Coppola ou de Neil Jordan, et l’on ne s’en plaindra pas.

Jack Crow, chasseur de vampires émérite engagé par le Vatican, voit toute son équipe massacrée en guise de représailles par Valek, maître-vampire. Accompagné d’une prostituée (Sheryll Lee, épatante) que ledit vampire a mordu, d’un prêtre novice et d’un autre chasseur, Crow va tenter d’arrêter Valek avant qu’il ne rentre en possession de la fameuse Croix de Rosiers, qui donnerait aux siens le pouvoir de vivre le jour.
Si la traque de Carpenter s’essouffle souvent, jamais elle ne lasse. James Woods campe un Jack Crow extrêmement convaincant, à mi-chemin entre le personnage de Snake Plissken de New York 1997 du même réalisateur, et celui incarné par William Holden dans La Horde sauvage de Peckinpah. La mise en scène soignée tend d’ailleurs à rapprocher le film d’un western (rappelons que Carpenter est un inconditionnel de Hawks et de Peckinpah), ainsi la musique cinglante, ou les lieux du déroulement de l’action qui sont autant de déserts arides et de villages désolés.

Carpenter respecte (peut être un peu trop) les limites du personnage du vampire, il n’étend jamais le mythe mais lui rend ses lettres de noblesse en montrant de la créature le côté sombre et barbare qu’on lui avait trop souvent retiré. Les amateurs du genre retrouveront le ton si propre aux films fantastiques des années 80 (on pense notamment à Aux frontières de l’aube de Kathrin Bigelow), avant que les technologies de pointe et les images de synthèse ne transforment littéralement le genre en rendant communs les effets spéciaux. Ici, pas de mise en scène grandiloquente, pas de budget faramineux tenant lieu d’argument de vente, mais du cinéma fantastique dans sa pure tradition qui nous fait redécouvrir le plaisir du spectacle.
Louons ainsi la modestie d’un réalisateur qui connaît si bien ses limites, et de ce fait les limites du genre ; et oublions les faiblesses de rythme, la musique un peu trop souvent présente pour nous délecter de ce qui avait au début la prétention d’une série B et qui au final devrait faire rougir bien des réalisateurs qui se sont essayés sans succès au fantastique. Ajoutons qu’il est rare de voir dans ce type de cinéma des acteurs aussi bien dirigés qu’ici. Thomas Ian Griffith, dans le rôle de Valek, campe un « méchant » très convaincant, et les nombreux vampires du films sont tous effrayants à souhait.