Quelques mercredis après la sortie discrète de l’honorable Vento di terra, double retour cette semaine à l’ordinaire catastrophique du cinéma italien. Benigni ici, Giordana là, les deux poids lourds de l’industrie transalpine sont de sortie. Difficile de ne pas voir, à travers ces deux objets vilains, un portrait de l’Italie telle qu’elle va mal. Le parcours de Marco Tullio Giordana révèle bien cet état de décrépitude, qui a conduit à ce nouveau film et à la sélection de celui-ci dans la compétition du Festival de Cannes 2005. Giordana, c’est l’auteur de Nos meilleures années, une calamiteuse fresque téléfilmesque qui fit son petit effet malgré son abyssale indigence. Une Fois que tu es né rectifie le tir : longueur standard (deux heures, contre six pour le précédent), sujet fort (l’immigration clandestine), message clair et humaniste, fiction localisée (un rafiot de candidats à l’exil, un camp de réfugiés, quelques intérieurs bourgeois et une cour des miracles). Cette fois, on est au cinéma, finie la rigolade. Mais dans le fond, rien ne change : même étalage de bonne conscience bourgeoise repoussante, de celle qui s’indigne très fort tout en prenant soin de laisser chacun à sa place, panoplie putréfiée du cinéma qui dénonce.

Le pitch : au cours d’une croisière en voilier, un petit gosse de riche tombe à l’eau sans que personne à bord ne s’en aperçoive, dont son père, industriel sympa qui déjeune avec ses ouvriers en leur parlant de la voiture de sport qu’il compte s’offrir parce qu’il l’a bien méritée. Le gamin est finalement repêché par un bateau pourri où s’entassent des dizaines de candidats à l’immigration clandestine en partance pour l’Italie. Une fois débarqués, les clandestins sont parqués dans un camp en attendant d’être expulsés. On voit bien en quelles eaux pas très nettes navigue pareille entreprise. Non seulement la mise en scène de Giordana est à peine plus vive qu’un poisson mort, mais surtout elle ne fait qu’entretenir, par ses propres moyens, la situation qu’elle entend dénoncer en agitant les bras et à grand renfort de pathos faux-derche. Le fiston goûte la merde du monde et veut s’en resservir une louche, en bon petit chrétien. Le papa sort le carnet de chèque pour récompenser les jeunes Roumains qui ont sauvé son mimi. Et à toutes ses opérations rédemptrices la mise en scène veut y trouver son compte. Oscille entre un point de vue et un autre, pèse et soupèse les raisons de chacun. Fait l’aumône et une plus-value à chaque image. Prend soin de refuser toute dialectique en voulant consoler tous et chacun, par discrimination positive. Il faut comprendre tout le monde, et bouffer à tous les râteliers. Le rachat est à ce prix, ça vaut pas cher, grosse promo sur la bonne conscience, c’est Silvio qui tient la caisse.