Walter Hill, cinéaste-culte (Le Bagarreur, Les Guerriers de la nuit, 48 heures) et dernier survivant d’un cinéma de la testostérone estampillée seventies (il fut notamment scénariste de Peckinpah ou de John Huston), revient à ses premières amours avec Un Seul deviendra invincible : la boxe et l’univers des combats virils et sauvages. Si Hill, aujourd’hui quasiment aveugle, n’a visiblement plus tous ses moyens -son dernier grand film, Trespass, date de dix ans-, reste ici un art du récit et de l’énergie du plan tout droit sorties de la rectitude sèche et tendue des grands films d’action d’une époque révolue.

Malgré sa réalisation assez formatée (flashs blancs de transition, morceaux de rap toutes les dix minutes), il ressort du film une impression d’ensemble parfaitement réjouissante. L’histoire, opposant dans l’univers carcéral un champion de boxe officiel à son double sous-terrain, un indestructible combattant de prisons, ne sert que de prétexte à la mise en place d’un tissu de rapports violents et brutaux. La dualité, la mise sous tension, l’esprit de compétition sont ici les seuls mobiles psychologiques. C’est dans cette préparation minutieuse, plus que dans le combat final attendu, que surprend le film : sa façon de ramener toute scène, toute réplique ou tout raccord au simple plaisir de la lutte et du défi.

Western pénitencier, Un Seul deviendra invincible s’articule de surcroît autour d’un propos singulier, transformant peu à peu l’espace inhumain de la prison en grand laboratoire sportif, chaque rebut de la société devenant moins un danger potentiel qu’un champion en puissance, hors de toute considération morale ou sécuritaire. Dans un film aussi obscène que Les Ailes de l’enfer (l’envers symétrique du film de Hill), la prison devenait un enfer dont chaque personnage devait être éliminé. Ici, la prison devient au contraire une sorte de plate-forme underground prétexte au recouvrement progressif des valeurs primitives de la boxe et de ceux qui la font : honneur, refus du détour, retour à la pureté olympienne de l’affrontement de deux corps à mains nues. Enlever les gants, lors du combat final, revient à éliminer tout artifice au profit d’un spectacle noble et primal. Un Seul deviendra invincible est le chant du cygne d’un poids lourd du cinéma d’action américain.