Après son tonitruant diptyque sur Jacques Mesrine, on se demande bien ce qui a pu conduire Jean-François Richet à accepter la proposition de Thomas Langmann de piloter le remake d’Un Moment d’égarement, film vaguement culte réalisé par son père Claude Berri. L’original, sorti à la fin des années 70, n’avait déjà rien de fameux : derrière les déhanchés faussement transgressifs de la comédie de moeurs (un quadra aux prises avec la passion brûlante exprimée par la fille de son meilleur ami), le film déroulait poussivement le portait du patriarche en animal maladroit (avec ses femmes, avec ses filles), chanté entre deux pastis sur l’air de : “Ah, mais qu’est-ce qu’elles veulent toutes ?” Monopolisant le temps de parole, le féminin s’y révélait en simple variable d’ajustement, une manière comme une autre de mettre à l’épreuve l’amitié virile de deux mâles en pleine âge de raison.

Malgré quelques arrangements et des clins d’oeil perspicaces au contemporain (Facebook, la techno, tout ça), Richet a bien tort de reprendre littéralement cette ligne double (amour impossible / amitié incassable), laquelle bride un canevas potentiellement vénéneux (puis-je aimer la fille de mon meilleur ami ?) en le fixant sur les rails d’une intrigue strictement boulevardière (comment lui cacher que je l’ai baisée ?). De ne jamais vraiment croire dans le potentiel de son histoire impose fatalement à sa mise en scène d’en rajouter une couche sur la sensualité irrésistible de sa nymphette. Sauf que l’horizon fantasmatique de Richet est pour le moins étriqué (un poom poom short qui se trémousse, un téton qui dépasse, un bain de minuit tout nu) et que Lola Le Lann, élue parmi 700 prétendantes pour un numéro de séduction adolescent qui vire au tapinage, joue vraiment comme une truffe. D’où un film à la nullité relativement embarrassante, dont l’imaginaire morne, les dialogues en toc et l’érotisme flagada finissent par donner l’impression d’assister à une sorte de crossover entre Lolita et Le Coeur des Hommes, réalisé par Guillaume Canet.

Et on évoque Canet à dessein puisque Richet, avec ce qui s’apparente à la détresse d’un cancre recopiant une page wikipédia en vue d’une bonne note, pique carrément l’un de ses personnages aux Petits mouchoirs. On retrouve ainsi Cluzet éructant tristement le même rôle de bourgeois aliéné en vacances, passant la moitié de son temps à traquer non plus des fouines mais des sangliers, fusil à la main sur le perron de son coin de paradis. Davantage que les minauderies estivales du couple Cassel-Le Lann, c’est bien cet effigie du patriarcat fébrile, du bourgeois sans pouvoir, du mâle contre lequel le monde se retourne, qui finit par accaparer l’attention du marxiste Richet. Que l’ancien acteur de Chabrol ait de faux airs de Dustin Hoffman achève de donner une maigre consistance à ce mirage absurde d’un Straw Dogs franchouillard, qui dit bien combien le réalisateur de Ma 6-T va crack-er s’ennuie au milieu de cette comédie dramatique racoleuse, où Cluzet continue d’être l’éternel bonne poire dont le mauvais cinéma français gâche systématiquement les vacances.