Le kappa, est l’une des figures les plus pittoresques du bestiaire fantastique nippon: créature hybride – corps de batracien, carapace de tortue, bec d’oiseau -, il est censé vivre dans les rivières, où, nous apprend l’immense mangaka Shigeru Mizuki dans son Dictionnaire des monstres japonais (Pika édition), « il peut entraîner des enfants, des vaches ou des chevaux. Une fois ses victimes à l’eau, il leur retire les entrailles par le trou du cul, à ce qu’on dit ». Mais loin de cette réputation effrayante, le kappa apparaît dans certaines oeuvres de fictions sous un jour plutôt sympathique : citons Tensui de Kazuichi Hanawa (Casterman) ou Kappa no sampei du même Mizuki.

C’est également le cas dans Un Eté avec Coo, qui peut se voir comme un spin-off de Pompoko, tant son postulat de départ est proche de celui du chef-d’oeuvre d’Isao Takahata : dans les deux films en effet, les créatures issues du folklore ont été condamnées soit à la disparition, soit à l’assimilation – c’est la jolie surprise de la fin de Coo – en raison de l’urbanisation effrénée du Japon, les privant de leur habitat naturel. La rencontre entre un petit kappa, ayant hiberné sous terre pendant plus d’un siècle et un jeune garçon d’aujourd’hui prend donc des allures, pour ce dernier, de retour à la terre. Mais la comparaison entre les deux films s’arrête là : à l’exubérance formelle de Pompoko répond ici une sobriété de tous les instants. Sur le plan visuel, Un Eté avec Coo prend en effet courageusement le contre-pied de tout un pan de l’animation japonaise contemporaine, et notamment d’un courant dont Masaaki Yuasa (Mindgame) est le chef de file, caractérisé par les déformations corporelles et la pratique systématique du « décrochage graphique » (différences assumées de style d’une scène à l’autre). A la vision de Coo, difficile en effet de croire que le réalisateur, Keichi Hara, a travaillé avec Yuasa sur les délirants longs métrages de Crayon Shin-chan et que le directeur de l’animation a assuré ce même poste sur Mindgame, si ce n’est au détour de quelques plans lors d’une séquence de course-poursuite. Ceux qui ont aimé Amer béton préféreront donc sans doute passer leur chemin, car tout ici se joue sur le mode mineur – seule la petite soeur du héros bénéficie d’un traitement assez jouissif -, l’animation n’étant pas conçue comme une fin en soi mais le discret véhicule d’une histoire, pour le coup particulièrement touchante.

C’est la réussite de Coo : après une première demi-heure laborieuse, le film trouve son rythme et réussit à faire exister ses personnages sur la durée (2h15, tout de même) et naître l’émotion, transcendant un budget que l’on devine modeste – l’animation pèche par moments, et le rendu des images de synthèse laisse franchement à désirer, notamment pour l’eau – par la clarté de son découpage et l’originalité de sa structure, empruntée aux deux premiers volumes d’une trilogie d’albums pour la jeunesse. De fait, la cible principale de Coo reste tout de même nos chères têtes blondes qui trouveront là un répit bienvenu face à l’hystérie visuelle et sonore, et au manque de subtilité morale qui caractérisent souvent les productions animées américaines.