Il y a toujours un peu de Gus Van Sant dans le jeune cinéma indépendant américain, surtout quand ce dernier met en scène des gigolos. En voici un récent avatar, évidemment à l’ombre du maître mais suffisamment modeste et carré pour que la tutelle ne soit pas trop asphyxiante. Performance non négligeable, d’autant que Twist court un autre lièvre en vogue : la réactualisation des classiques. On avait eu droit il y a quelques années à un Hamlet en bonnet péruvien à New York, cette fois c’est Oliver Twist qui entre deux fix, fait le trottoir sur le sombre macadam de Toronto.

La pilule passe donc par l’humilité sympatoche de Jacob Tierney qui aligne les poncifs de la chronique poético-trash, transformant la cour des miracles en une énième petite famille cabossée. En fil rouge, Dodge, leader charismatique des putes, shoote son désespoir à l’héroïne en dandy décadent. Nick Stahl, déja vu dans le Bully de Larry Clark ou dans Terminator 3, lui donne son corps de poupon, sa démarche saccadée de petit taureau. Tierney lui dédie sa mise en scène, filmant son corps comme une locomotive fictionnelle, un point d’ancrage aussi. Contrairement à River Phoenix, dont le corps se désagrégeait au contact de la caméra, Stahl assume lui la caméra en tête d’affiche virile, dans la lignée des acteurs sensibles mais structurés par leur corps massif. Il y a du Brando période Kazan chez lui et c’est tout le film qui s’en trouve influencé, s’inscrivant de facto aux racines du drame social sexué, malgré la branchitude des cadres ou de la bande sonore.

Du coup les enjeux de Twist se dessinent très nettement, presque trop vite, dès les premiers plans qui encadrent la démarche décidée de Dodge. Plus qu’une maîtrise, il y a là une telle assurance dans les fondations du film, que la mise en scène se laisse doucement entraîner, à la manière dont les faiseurs hollywoodiens suivent leur cahier des charges. Par Stahl, on l’a dit, mais aussi par l’écriture, étrangement dynamique, jamais propice à la moindre dilatation. Pour le genre, c’est une quasi performance : pas une scène de sexe ou de shoot ne s’installe, laissant toujours le bavardage revenir sur une éventuelle contemplation poétique. D’où une sécheresse un peu passe-partout qui atténue chaque passage obligé (défonce, violence de la rue ou autre pervers pépère), mais dans le même temps laisse une impression tenace de non film. D’ailleurs, Twist se termine là où il a commencé : dans un motel marronnasse à la fin d’une passe banale. Seul l’acteur a changé.