Difficile de le cacher : il n’est pas de plus grand plaisir que celui offert, chaque semaine, par la découverte des nouvelles comédies bien de chez nous, jonglant avec les têtes d’affiche comme dans une grande foire aux cochons. Le défi : trouver le bon numéro, le gros lot qui permettra d’emporter le jambon. Il ne faut jurer de rien tape dans le mille en exploitant avec une complaisance non-feinte le filon de la sécurité (Jugnot + Dujardin) quand l’époque est plutôt aux expérimentations en tous genres et à la tentative d’anoblissement de figures de l’entre-deux encore titubantes. Le résultat est immédiat : un film carré et campé sur ses positions, sans la moindre ambiguïté quant à sa volonté de jouer avec un vieux fond populaire traditionnel parfaitement assuré de ses effets. Dénué de toute élégance, Il ne faut jurer de rien demeure un exemple de maîtrise peu commun.

Le cadre historique du film, situé juste avant la Révolution, permet immédiatement de désamorcer le danger incarné par la présence de Jugnot, figure depuis un bon bout de temps d’une certaine médiocrité nationale et d’une fierté poujadiste on ne peut plus nauséeuses. Son rôle est toujours le même, ici commerçant mesquin d’une bourgeoisie rêvant de prestige aristocratique, mais il prend pied dans un univers ne cherchant à aucun instant à tirer un quelconque positivisme de cette caricature. Même procédé dans l’utilisation de Dujardin : comme en une suite à Brice de Nice, autre modèle d’équilibre, le film tente moins d’en faire un nouveau Belmondo à la De Broca que de mettre constamment en crise son potentiel d’agilité et de fantaisie. Rien d’échevelé chez Dujardin, mais au contraire une forme de flamboyance viandarde et une vulgarité bien réelles qui deviennent ici principes mêmes de son programme comique.

Il faut alors se rendre à l’évidence d’une certaine tristesse, le film évoluant à des années lumières de la finesse de certaine comédie d’aventure à la Française, jouant avec son intrigue tirée de Musset comme un chien galeux triturerait un doudou élimé. Mais cette manière de s’inscrire de facto dans des limites triviales, avec notamment le machisme du traitement du personnage incarné par Mélanie Doutey, permet au moins de faire constamment tourner le film à plein régime : mise en scène simple et efficace, assurance des enchaînement, plaisir de l’effet sommaire et de l’absence de tout filtre entre le projet et sa réalisation. Accepter cette absence d’élégance, ce qu’on trouve aussi par exemple chez Chatillez, est bien sûr un pis-aller : mais ce pis-aller là vaut sans aucun doute bien mieux que tous les détours et tentatives hypocrites de renouvellement récemment vues d’un genre qui demeure, bonne ou mauvaise nouvelle, le seul point d’ancrage de notre cinématographie populaire.