Sammy (Laura Linney), jolie trentenaire un brin effacée, élève tant bien que mal son fils de huit ans, Rudy (Rory Culkin, talentueux benjamin de Macaulay), et mène une existence qu’elle seule croit exemplaire : travail à la banque de son patelin, liaison sans passion avec son amant, église le dimanche. Jusqu’à ce que débarque son frère Terry (Mark Ruffalo), dont le mode de vie a toujours été aux antipodes du sien. Parcourant le pays de petits boulots en brefs séjours en taule, le jeune homme devient très complice de son neveu et croit enfin avoir trouvé sa place chez Sammy. Hélas, la cohabitation sera plus douloureuse que prévue…

Premier long métrage de Kenneth Lonergan, Tu peux compter sur moi est librement inspiré d’une des pièces de théâtre du réalisateur. Au vu du résultat, inabouti mais touchant, on imagine à quel point la scène devait davantage rendre justice à ce récit doux-amer évoquant la relation tumultueuse entre un frère et une sœur orphelins depuis leur enfance. Dialogues murmurés, jeu intériorisé des acteurs, importance du moindre geste : voilà ce qui faisait sans doute la force d’une fiction que Lonergan s’est empressé de diluer au cœur d’un espace cinématographique trop large et mal maîtrisé. C’est d’autant plus dommage que Tu peux compter sur moi possède une qualité rare : la justesse. Des simples non-dits aux réactions parfois violentes de ses protagonistes, l’auteur sait parfaitement saisir la tristesse des divergences humaines et la difficulté d’exprimer sa propre identité face à l’Autre. Le jeu très fin des comédiens n’est pas pour rien dans la semi-réussite de l’entreprise, et l’on pourra s’étonner que les membres de l’académie des Oscars, d’habitude prompts à distinguer l’emphase, aient eu la bonne idée de saluer la sobre prestation de Laura Linney, nommée cette année dans la catégorie « Meilleure actrice ». Tous ces efforts s’avèrent malheureusement noyés par la platitude de l’ensemble, la pauvreté confondante de la mise en scène et, cerise sur le gâteau, des choix musicaux affligeants -folk-songs bien ringardes et utilisation répétée d’une suite pour violoncelle de Bach archi-entendue. Alors que ses âmes simples et paumées auraient pu le hisser vers un beau mélo, Tu peux compter sur moi ressemble in fine à un film banal sur des gens ordinaires.