C’est un tout petit film coréen et une assez bonne surprise. Surprise parce qu’on avait toutes les raisons de se méfier d’un argument pareil : ils ont 70 ans passés, ils s‘aiment, ils sont trop jeunes pour mourir. Documentariste, Park Jin-pyo rencontre Park Chi-gyu et Lee Sun-ye sur le tournage d’un doc télé, s’émeut de leur amourette toute fraîche et décide de les filmer, entre quotidien brut et reconstitutions, avec scènes de vrai sexe à la clef. Une peur multiple nous accompagnait donc au moment de découvrir le film, peur de la coulée de miel humaniste rehaussée par l’argument du réel brut, peur d’une accablante poésie documentaire qui ferait l’éloge neuneu des chairs flasques. Trop jeunes pour mourir est un peu cela, certes, mais aussi beaucoup moins et beaucoup plus.

Beaucoup moins parce que Park Jin-pyo s’abstient délibérément de tout ancrage, on n’apprend rien des tourtereaux, rien qui dirait autre chose que l’autosuffisance de leur idylle : M.Park et Mme Lee font des galipettes, déconnent dans la baignoire, se prennent en photo, Mme Lee rentre trop tard et M.Park lui fait une scène, Mme Lee est malade et M. Park lui fait cuire un poulet. S’en tenir à cette autarcie (jusque dans les plans qui les saisissent seuls : quand M.Park nettoie le sol ou passe chez le coiffeur, c’est pour contenter sa belle), refuser tout cadre où s’expliquerait le bonheur adolescent où les vieux batifolent, c’est un beau parti-pris, qui du réel ne retient que le surgissement et préfère l’habiller d’un lyrisme léger, un peu couillon mais ravissant, plutôt que de l’épais manteau du contexte.

Beaucoup plus parce que le négoce entre témoignage brut et récit sentimental, pour bancal qu’il est, est plutôt intéressant. La forme est frugale, assez ingrate même, et c’est tant mieux, au fond, on sent bien que c’est le projet de Park Jin-pyo, faire mine de s’effacer complètement derrière le quotidien giratoire des vieux amants, dût-il nous en convaincre par la relative mocheté de ses plans-séquences. Le film s’ouvre sur M.Park retirant son dentier, dans ce beau silence documentaire percé par le cliquetis des gestes ; la séquence d’après, il est sur un blanc public et drague Mme Lee, puis l’image se recouvre d’une espèce de muzak sucrée qui reviendra régulièrement compléter les scènes sentimentales, d’une façon aussi nouille que charmante. Le film ne sortira pas toujours gagnant du combat ainsi engagé avec la maladresse pure (il ne dure que 1h07 et c’est déjà trop long, l’intérêt s’essouffle vite), mais reconnaissons-lui d’avoir su tirer de son argument (la jeunesse retrouvée des deux vieux, pris de fous rires pendant les galipettes) une belle matière, parfois joliment burlesque et légère comme une plume.