Maradona par Kusturica : il y en a un de trop, déjà dans ce titre, et ce n’est pas le plus potelé des deux, bien sûr, ce n’est pas Maradona, mais l’autre, le cinéaste, le « fan de » qui, traçant ou voulant tracer le portrait du dieu du foot ne fait que renvoyer des images de lui (sa vie, son oeuvre), une image de lui – pas très reluisante. Son film est mort-né, puisque le premier plan du film nous le montre d’emblée, lui, sur scène avec son groupe de rock, étouffant déjà son sujet. Ça ne s’arrange pas dix secondes plus tard, puisque le chanteur de son groupe le présente ainsi au public : « à la guitare, le Diego Armando Maradona du cinéma : Emiiiiir Kusturica ! ». Bon, déjà, que le lourdingue Kusturica soit au cinéma ce que Maradona est au foot, c’est un tout petit peu présomptueux de l’affirmer. Mais au moins le ton est donné, le film devant par la suite redire sans cesse que : il porte autant sur l’amour égocentrique de Kusturica pour son idole ; il entend bien démontrer la validité de la déclaration du balkanique chanteur.

Entre interviews à la Laurent Boyer, images d’archives vues et revues mille fois, et animations flash toutes pourraves (Maradona dribble Thatcher sur fond de Sex Pistols, yeah) Kusturica raconte qu’il n’a rien de spécial à dire ou à montrer de Diego. Pourtant, ce n’est pas faute de sous-entendre qu’il avance ici en explorateur d’un continent vierge. Sa seule découverte est assez drôle, certes : une église maradonienne, où de fidèles dévots célèbrent des mariages sur des terrains de foot, récitent des pater noster à la gloire d’El Pibe de Oro, font d’une phrase mythique prononcée à la Bombonera (« le ballon ne sera jamais sali ») leur unique credo. Mais pour le reste, sur la première vie de Maradona (footballistique), que dalle, et sur la seconde (ses frasques politico-toxicomanes), Kusturica demeure d’une superficialité confondante, c’est rien de le dire. Tout bonnement parce que Maradona ne l’intéresse seulement que comme miroir où mirer sa grandeur. A la moindre occasion, glisser un extrait de cinq minutes de ses films, répéter ad nauseam des scènes d’accolades pour montrer que lui et El Diez sont frères de sang, alter ego, sur l’air de « hey les gars, regardez je suis pote avec Maradona ». C’est pathétique, surtout qu’on sent bien que la divinité portègne participe juste à un film de plus. Si on en doute, se reporter à la scène où Dieguito met un vent jouissif au cinéaste venu faire le pied de grue devant chez lui. Kusturica a fait ce pauvre portrait pour pouvoir être filmé en train d’échanger quelques ballons sur la pelouse de l’Etoile Rouge de Belgrade avec Maradona. Ça lui fera un joli souvenir, on est content pour lui.