Thomas est amoureux est un film étrange. Qu’on se prépare à détester, et qui, petit à petit, finit par capter notre attention et par provoquer l’indulgence. Le sujet -le monde virtuel- comme le traitement stylistique -une caméra braquée en permanence sur un écran d’ordinateur devant lequel Thomas, agoraphobe patenté, passe ses journées- avaient de quoi inquiéter. Peur de la leçon de morale sur les nouvelles technologies, tarte à la crème de ce début de siècle, peur surtout d’un long métrage prisonnier de son dispositif, se reposant sur les lauriers d’une idée plutôt séduisante, certes, mais ô combien délicate à exploiter. Or, sans convaincre totalement, Thomas est amoureux s’en sort relativement bien.

Pierre-Paul Renders, le cinéaste, et son scénariste, Philippe Blasband, ont su injecter à l’ensemble suffisamment d’humour pour éviter le pensum sociologique édifiant. Internet n’est ainsi pas dépeint comme un procédé inhumain et avilissant, mais au contraire comme un élément de plus de la communication de masse d’aujourd’hui. De la maman à la putain en passant par le conseiller commercial et le psy, tous les personnages sont des répliques exactes de ce que l’on peut trouver dans notre vieux monde bien réel… Ce refus de la noirceur numérique et de la froideur pixellisée ne peut que satisfaire ceux qui refusent d’adopter une vision catastrophiste de ce nouveau média. On appréciera le travail sur les décors : quelques touches, quelques détails suffisent à recréer un univers, que ce soit celui d’une jeune amoureuse idéaliste ou bien d’une triste prostituée. La métaphore fonctionne à plein, l’intérieur d’une chambrée renvoyant bien évidemment à la psychologie de celui qui y habite… Un dispositif efficace malgré son évidence un brin scolaire.

Si Thomas est amoureux s’en sort plutôt bien, il le doit surtout à son interprétation, parfaite de bout en bout. Dans cette installation répétitive, factice et parfois lassante, les différents comédiens (notamment Benoît Verhaert dans le rôle-titre, invisible mais dont la voix laisse des traces) tirent en effet leur épingle du jeu. Grâce à eux, alors que le film menaçait sérieusement de s’engluer, une fois passé l’effet de surprise initial, Thomas est amoureux demeure un petit objet intrigant finalement assez sympathique, faute de mieux !