Le film commence pourtant bien : un long plan fixe sur la mer à perte de vue, un soleil lunaire, une lumière extraterrestre, et un brouhaha sonore proche des dissonances de la musique expérimentale offrent un dépaysement total qui nous mettent dans une position de questionnement par rapport à l’image, position qui n’est que trop rare dans la majeure partie de la production cinématographique. Ensuite vient le titre du film sur fond noir, de manière abrupte, et là on commence à se régaler d’avance à l’annonce de ce qui va suivre. Hélas après ce début prometteur, l’enthousiasme retombe. Le dispositif de Laila Pakalnika se devine très vite. Chaque scène commence ou finit par un plan de quelques secondes sur le décor vide, sans personnages. Cela donne des plans non encore habités qui sont investis cinq secondes après, ou des plans abandonnés par les acteurs, laissés vides, comme une chanson dont on aurait retiré les paroles. L’ennui, c’est le cas de le dire, c’est que ce dispositif fait plus penser au diaporama qu’au cinéma. Un diaporama de luxe, certes, car il faut souligner la beauté époustouflante du noir et blanc. Le travail sur les nuances effectué par le directeur photo Gints Berzins, est d’une richesse proche du travail des plus grands photographes. Il n’en reste pas moins que la beauté des images ne suffit pas à bâtir un film. Laila Pakalnina semble ici leur accorder une foi démesurée, et c’est cette foi qui gâche cette œuvre dont l’histoire était plutôt prometteuse : une chaussure de femme est retrouvée sur une plage frontalière, le branle bas de combat est sonné, et trois militaires sont chargés de chercher au village la mystérieuse espionne à qui elle pourrait appartenir. Toute l’absurdité de la paranoïa militaire nous est ici révélée, car l’ennemi présumé est en fait une jeune fille qui voulait simplement prendre un bain de mer. Malgré cela, l’esthétisme forcé des plans nous donne vraiment l’impression de feuilleter un carnet de voyage en Lettonie dans les années cinquante. De plus le système des « images désertées » devient redondant à force de répétition, et nous plonge dans les affres d’une méditation quasi somnolente au regard de ces images inanimées. Dans ce premier long métrage, la réalisatrice lettonne prouve qu’elle a des idées de cinéma bien affirmées. Reste qu’il ne suffit pas de les appliquer mécaniquement pour réussir à créer une œuvre.