Conçu comme un manuel de bonne entente sino-américaine, The Karate kid ne se contente pas de transposer l’intrigue de l’original à Pékin : il joue au tour-operator. On ne parle pas là d’une petite opération séduction de l’office de tourisme chinois (façon Seigneur des anneaux), mais bien d’un best-of commenté des spots à ne pas manquer. Jusqu’à un détour absurde par la Muraille de Chine que le film ne prend même pas la peine de justifier… C’est, disons, le volet exotique de l’affaire, la conséquence inévitable du déplacement des enjeux originaux. Rappelons qu’à la base Karate kid envoyait un ado du New Jersey en pleine Californie. Là-bas, le gamin prenait une rouste et décidait d’apprendre le karaté. Choc des cultures, violence du déracinement, voyage initiatique, recherche du père… 25 ans plus tard, l’argumentaire demeure, seule la destination a changé. Et les enjeux touristiques mis à part, il y a quelques raisons de s’en réjouir.

D’abord cela permet au film de s’amuser de ses propres clichés. Pas ceux du genre, inaltérables et plutôt bien gérés (on y revient), mais ceux charriés d’ordinaire par l’exotisme asiatique. Non pas que le film les évite systématiquement (la virée au monastère), mais au moins en a-t-il conscience et prend-il soin de les contrebalancer. Pas de syndrome Rush hour 2, donc. Amusant en revanche de constater comme ce rééquilibrage passe essentiellement par Jackie Chan. Lui qui avait fait de cette caricature son fond de commerce, galvaudant ainsi une carrière chinoise richissime, trouve en Karate kid une sorte de réhabilitation artistique et martiale. Exsangue dans l’inénarrable Royaume interdit de Rob Minkoff, il endosse ici un rôle similaire, celui du vieux maître auparavant tenu par Pat Morita, mais change de registre. En retrait de tout, du film comme de lui-même, il promène son corps de clown vieilli avec une discrétion presque bouleversante. Une posture qui ne donne que plus de prix à la résurgence soudaine de son kung-fu, sorte de toute-puissance souterraine qui sourd sans prévenir de ses muscles endormis. Son seul et unique combat le verra ainsi triompher d’une poignée de garnements en toute décontraction, mais finir à bout de souffle.

Rien de post-, pourtant, pas de fausse humilité façon JCVD. The Karate kid comme Jackie Chan ne renient rien de leur statut, de leur littéralité. Il ne s’agit que de nourrir un matériau connu, de prolonger au mieux les réflexes du genre (le retrait encore). C’est ainsi qu’il faut lire l’initiation du Kid interprété par Jaden Smith, fils de Will. Si l’on croit d’abord à un show irritant façon Macaulay Culkin du ghetto, cette impression s’efface au fur et à mesure de l’enseignement. Reprenant la fameuse morale de l’original (le kung-fu est partout), Jackie Chan apprend au gamin à discipliner des gestes a priori anodins, à fondre son kung-fu dans le quotidien, comme un prolongement de son être. Au fond, il lui explique comment jouer la comédie et servir le film plutôt que lui-même (le retrait toujours). Bien sûr, tout ça fonctionne sur le bon vieux schéma de la double transmission (chacun apprend de l’autre) mais, surprise, cela débouche aussi sur de surprenants éclats. Ainsi de ce beau dialogue cathartique entre le vieux bonhomme solitaire et ce gamin sans (re)père qui glissera, d’un geste, vers une nouvelle leçon de kung-fu. Une leçon au cours de laquelle, pour la première fois, élève et maître se guideront simultanément, chacun s’effaçant derrière les gestes de l’autre pour mieux l’aider à avancer.