Peu importe l’histoire (ou presque), ce n’est pas via son scénario que brille Sexy dance 3 (affrontement entre gentils et méchants, pauvres et riches adolescents autour de batailles de « street dance ») mais surtout par ses chorégraphies acrobatiques et sa manière de revenir à un montage qui laisse la place à la notion de plan – le film nous fait même la grâce d’un hommage à Fred Astaire, à la faveur d’un plan séquence dans les rues de New York.

Mais surtout, Sexy dance 3 est sans doute, depuis Avatar, l’un des premiers films à faire un usage réellement convaincant de la 3D. C’est bien simple, les corps semblent flotter dans les airs, prendre possession de l’espace comme on ne l’avait pas ressenti depuis longtemps dans une comédie musicale. Une main fait levier sur le sol pour faire tournoyer un corps quelques centimètres seulement au dessus du bitume, et c’est le danseur qui semble se détacher de l’écran pour investir quelque chose comme une distance entre lui et le reste du monde. C’est un peu un rappel des évidences, mais la danse n’est pas seulement une question de rythme, de corps à corps avec soi, comme les acteurs le répètent à l’envi dans le documentaire que réalise le héros (être soi-même ou être un autre par la danse, telle semble l’alternative), mais tout autant une question de distance à parcourir ou d’effet de surplace, d’élévation et de fuite, d’expansion ou de rétractation. Jon Chu, le réalisateur, accentue d’autant cette dimension là par l’usage qu’il fait du relief, et donne à sentir au spectateur ce que peut être l’action de danser (l’énergie des parties dansées est incroyablement communicative).

On sent bien que tout au long des chorégraphies, le numérique est passé par là, renforçant tel effet, tel mouvement incertain des corps. Mais il y a dans le même temps un poids, une réalité physique, palpable, qui doit beaucoup à la dimension haptique de la 3D, grâce à laquelle on pourrait presque toucher du doigt les corps mais aussi, en même temps, les murs ou le parterre dont les danseurs font leur terrain de jeu. Et cela vaut pour certains moments non dansés d’ailleurs, comme cette image du héros en tenue sombre, perché sur le toit d’un immeuble, qui contemple la ville blanchie par la lumière du matin. La solitude physique du personnage, le subtil mouvement de vertige, tout cela c’est la 3D qui en procure la sensation. Le scénario a beau être terriblement nunuche et prévisible, la 3D décuple et, littéralement, met en scène une des interrogations majeures des personnages : trouver sa place, concrètement parlant (étudier la danse ET la physique, hésiter entre sa famille naturelle et son groupe d’affinités électives, etc.), et ainsi se sentir exister (que la danse nous pousse à être nous-mêmes ou un autre n’a, à cet aune, que peu d’importance).

Il faut voir cette courte scène par exemple, où un traitre, passé dans le camp adverse, vient lancer un ultimatum à ses anciens camarades à travers une grille. La 3D, de manière discrète, vient accentuer la distance qui sépare désormais ce personnages des héros, le relief dédoublant la symbolique visuelle de la grille (très basiquement, elle sépare) pour donner à sentir ce que peuvent être deux camps qui s’affrontent. Quand l’un d’eux touche le grillage (et l’action de toucher n’aura jamais été aussi tangible), c’est ainsi toute une logique d’espaces antagonistes qui est mise en scène. Les « battles », de ce point de vue, constituent l’acmé de ce processus. Même s’il se laisse parfois aller à des facilités (la séquence où le montage alterne des plans de chacun, seul avec lui-même, au son d’une pop guimauve), Jon Chu est un metteur en scène, au sens fort du terme (mettre en relation un corps et un espace, donner du sens à cette relation), et plus encore un metteur en scène de la 3D. C’est suffisamment rare pour être souligné.