Toute bedaine dehors, les yeux au khôl et la tignasse à l’huile de friture, Jack Black monte au front pour ouvrir le bal des sorties rock’n’roll de cet été, sorties auxquelles nous consacrons un dossier dans notre numéro d’été 2007 (cf. Chronicart #37, en kiosque). On ne commence pas par le meilleur, il faut bien le dire (pour ça, il faudra attendre septembre et Control, le biopic de Ian Curtis), mais au moins le film constitue une parfaite entrée en matière, idéalement didactique, pour démêler les fils qui saucissonnent ensemble, et de longue date, cinématographe et musique du diable. Résumons. Parmi les catégories enfantées par ces noces-là, il y a celle inventée il y a plus de vingt ans par Spinal tap, mockumentary assez brillant qui allait fixer les bases d’une généalogie de fictions nerd et bicéphales. D’un côté : figurer la tradition idiote du rock, son imagerie cartoon et sciemment crétine à laquelle les Ramones, entre autres, ne sont pas étrangers. De l’autre, et mine de rien : pratiquer une consciencieuse exégèse de l’imagerie, archiver studieusement l’appareil mythologique du rock band au prisme des groupies et des aspirants, dont il s’agit d’épingler sans cynisme l’innocent sacerdoce.

De Wayne’s world à Radio rebels, de Rock academy à Tenacious D., le magasin nerd du mythe est resté intact. Où des trentenaires gras du bide et no sex, voués à la loose ad aeternam, croupissent gaiement dans leur chambre d’ado entre collections de comics et intégrale de Black Sabbath, nourrissant l’espoir sincère de percer dans l’industrie à la sueur du médiator. Et, c’est l’autre constante, les goûts de ce personnel mou du bulbe vont à la frange la plus flamboyante et vulgaire de l’histoire du rock, direction le heavy 70’s, Led Zep et jeans moule-bite, Kiss et tignasse longue mais frangée. Soit, et c’est tout un programme, l’inverse grande-gueule d’une certaine histoire du bon goût rock critic, d’Alice Cooper à Hawkwind, de Queen à Yes (pas de grasse comédie sur les fans de Morrissey à ce jour).

Tenacious D.a au moins un mérite : revendiquant son extrême nullité, il revient à la source potache et inconséquente du genre. Lequel avait sérieusement perdu au change à se voir transfiguré en comédie familiale mainstream par Linklater, dont le Rock academy, pour sympathique qu’était son intention, était quand même assez gonflant. Rien de tel ici, où l’on raconte la petite épopée fantasmée du duo Jack Black / Kyle Gass (Tenacious D. est un vrai groupe à la ville, depuis 1994, déjà mis en image par Spike Jonze dans un clip en clin d’oeil à l’imagerie celto-beauf qui sied au rock viril), à la faveur d’une trouvaille assez marrante : les deux gus s’échinent en vain jusqu’à découvrir, au hasard des couvertures de vieux magazines rock, que Jimmy Page, Pete Townshend, Angus Young, tous ont partagé un seul et même médiator, graal des guitar heroes prélevé jadis sur le dentier de Belzébuth et dont il va leur falloir partir en quête pour espérer rencontrer le succès. Autre chouette idée, à l’autre bout : le film se conclut sur un contest heavy metal en bonne et due forme entre les deux grassouillets et Satan himself.

Pour autant, le film a beau assumer pleinement sa crétinerie, toucher par endroit (le très farrellien personnage de Kyle Gass, déjà gros et chauve à treize ans, jolie idée), il n’est que rarement drôle, mal fichu, pas complètement excusable par sa nonchalance revendiquée, et entame d’autant le seuil de tolérance aux moulinets un peu soûlants de Jack Black. Dans le genre idiot, Wayne’s world était autrement plus marrant. Reste, au moins, le plaisir coupable de la régression pure, pour quiconque a épuisé une partie de son adolescence à la contemplation benoîte des pochettes de Motörhead.