Comment l’onanisme d’un chihuahua – pratiqué contre l’oreille droite de Jamel – devient-il le clou humoristique d’un film d’Alain Chabat ? Pas de malentendu possible : dans cette scène et dans quelques autres, ce n’est pas la régression sadique-anale des Nuls (drôle alors, parce que consciente d’être navrante) qui fait retour. On barbotte bel et bien dans le premier degré d’une gaudriole franchouillarde dont Chabat, en d’autres temps, avait pu représenter l’antidote, et à laquelle il semble s’accrocher ici comme à une bouée de sauvetage. Parce que le véritable « humour Canal » ne suffit plus : sa capacité à greffer le grotesque sur les trésors du patrimoine, hérité évidemment des Monty Python, celui-là même qui donnait un peu de souffle à Mission Cléopâtre, a fait son temps. Ses ressorts (néologismes debbouziens, anachronismes et références pop parsemant un univers rigoureusement balisé) constituent aujourd’hui une marque de fabrique étouffante, si bien qu’ils en deviennent prévisibles au plan près, comme devant un quatorzième visionnage de Sacré Graal.

Or Chabat mise uniquement sur ce décalage pythonesque lorsqu’il s’agit de choisir un angle d’adaptation. Le problème, c’est que la pointe de méchanceté à l’égard du matériau d’origine, qui fait le mordant de toute relecture parodique, est ici dissoute dans la tendresse palpable de l’auteur pour l’univers Franquin (il en profite d’ailleurs pour ramener ici plusieurs figures issues d’autres séries : Zantafio, Mademoiselle Jeanne, le Comte de Champignac…) On ne reprochera évidemment pas à Chabat cette sympathie, plutôt contagieuse d’ailleurs, et on lui sait gré de rendre hommage à son modèle sans avoir le mauvais goût de chercher à le restituer « fidèlement ». Mais, il faut bien le dire, son amour pour le Marsupilami aseptise son regard. S’il prend ses distances avec la BD, ce n’est pas pour s’aventurer très loin, restant plutôt dans une bienveillance débonnaire à laquelle le cachet « pour toute la famille » n’arrange rien. Exemple : la bestiole elle-même, bagarreuse, inculte, machiste et beauf chez le génie wallon, devient ici une sorte de gentil toon fluo aux yeux mouillés, pas sulfureux pour un sou. D’où l’idée, sans doute, de compenser la politesse mainstream avec deux ou trois gauloiseries dispensables, comme la séance de masturbation canine sus-citée.

Tandis qu’à Hollywood, on assume pour le meilleur et pour le pire de se cantonner au recyclage de mythes populaires, en optant pour la transmutation technologique (Tintin) ou le dérèglement foutraque (le tordant Voyage au centre de la Terre 2), Sur la piste du Marsupilami ne choisit pas vraiment d’angle d’attaque, persuadé que son désir sincère de faire rire, allié aux bon vieil esprit d’Objectif Nul, fera l’affaire. Or ce dernier, il faut bien le dire, gagnerait à se renouveler. On remarquera d’ailleurs que le seul joyau du film est étranger à cette école : Lambert Wilson est énorme en chef d’Etat palombien transformiste possédé par Céline Dion.