Après l’épisode King Kong, retour à la case départ pour Jack Black : rock n’roll, déguisements, tripotée de gamins et déhanchements syncopés. Il y a deux ans, ça donnait Rock academy de Richard Linklater, sombre bouse affligeante de prétention et complètement déshumanisée. Aujourd’hui, bonne pioche : Super Nacho obéit image par image au cahier des charges mais tient ce petit supplément d’âme qui fait la marque des bons produits chaleureux. Nacho (Black, of course), c’est d’abord un personnage, un moine mexicain méprisé par ses acolytes qui le désignent aux basses tâches de l’orphelinat où ils officient. Un jour, sa passion d’enfance le rattrape : fasciné par les combats de catch, il transgresse le voeu de non violence et monte à son tour sur le ring. Petit à petit, la foule adopte ce sous lutteur à la manque, justement parce qu’il est nul. Classique.

Nacho, c’est aussi un style. Jack Black, as du déguisement pourri et du jeu monomaniaque. Sûrement moins doué qu’un Will Ferrell ou qu’un Owen Wilson mais plus énergique. Sa propension à rester fidèle au personnage de hard rockeur collant qui l’a révélé dans High fidelity a quelque chose de surréaliste et d’extrêmement touchant. Jack Black, c’est la conscience des flamboyants ringards, la splendeur de la loose persévérante qui porte le comique de répétition aux confins du sublime. Ça l’est d’autant plus que l’acteur ne peut pas faire autrement. Avec ou sans moustache, Black reste Black : un ventre, un cou de taureau, un squelette deux fois plus épais que la moyenne, une tronche toujours la même. D’où une quête permanente de dignité, de droiture dans l’interprétation, un peu comme Benoît Poelvoorde : ses personnages sont aussi dictateurs qu’autodestructeurs.

Super Nacho regorge de fantasmes d’humiliations tressés de rêves mégalomaniaques. Le héros y est perpétuellement démasqué, tel l’ado surpris en pleine masturbation dans sa chambre. A chaque début de prise de catch fatidique, il lâche un pet et quand, mortifié par une défaite de trop, il part méditer dans le désert, alors le contre-champ découvre le village tout proche et les gamins le reluquant sur sa dune de sable. Le style Nacho, c’est aussi le Mexique, les années 70 : art du travestissement, du détail qui tue, plaisir de faire le tour complet du pastiche. A l’empilement classique des costumes grotesques, s’ajoute une tenue graphique sèche, pointilleuse qui adoucit la caricature et étire le gag. Cet univers aux fenêtres grandes ouvertes sur la mythologie du cinéma affine naturellement l’action et le burlesque. Super Nacho est à ce titre, symptomatique du savoir-faire des nouvelles stars comiques d’Hollywood : le cadre y est plus un biotope qu’un monde sous cloche, il insuffle à la posture iconique un fort courant d’air pince sans rire (remember Starsky & Hutch, grande blague qui n’en finit jamais), une connivence avec le spectateur aussi généreuse qu’hilarante.