Après un premier épisode jugé à l’unanimité décevant, George Lucas ne s’est pas départi de sa promesse de réaliser les deux chaînons manquants entre The Phantom menace et Star wars. Vivant sans complexe sur un capital créatif datant de plus de 20 ans, il a conservé mordicus la propriété de ses films, s’associant avec la Fox tout en gardant soigneusement son statut de monstruosité dans le système hollywoodien. Dans le premier épisode, on avait craint que le tout numérique n’achève de briser le charme des créatures imaginées par Lucas (l’insupportable Jar Jar Bink, ici plus discret). Or, ce n’est pas en revenant au support film mais en perfectionnant la prise de vue vidéo (Sony a fabriqué exprès une nouvelle caméra numérique tournant 24 images secondes) que Lucas est parvenu à obtenir les textures et la profondeur qui manquaient cruellement aux images de l’Episode 1. Quant à ceux qui regrettent le savoir faire artisanal de l’époque, il faut reconnaître à Lucas qu’il a été en son temps un véritable précurseur dans ce domaine, le premier à envisager les techniques proches du numérique appliquées aux effets spéciaux et au montage.

La singularité de Star wars, dans le contexte du cinéma d’aujourd’hui, s’affirme mieux avec ce deuxième épisode, qui bénéficie d’une meilleure maîtrise des moyens. techniques. L’Attaque des clones est avant tout un film de décors et de paysages, tendant sans cesse vers le monumental, alimenté par un imaginaire d’urbaniste utopique. C’est aussi sa limite, car la mise en scène de Lucas, impressionnante et fastueuse dans les vues larges ou le survol, est sans force dès qu’elle se met au service de l’histoire. En l’occurrence, il s’agit de montrer comment le jeune Anakin, Jedi prometteur formé par Obi Wan et chargé de protéger la reine Padmé, va déroger à la règle des Jedis et basculer du côté obscur. Il s’agit en fait d’un épisode de transition, racontant l’avancée de la République dans une guerre fomentée par le futur empereur. La première pesanteur de L’Attaque des clones tient à l’histoire d’amour naissante entre Anakin et Padmé, mièvre et ennuyeuse et qui squatte une bonne heure du film. Quant à l’évolution du futur Darth Vador, elle offre très peu d’intérêt et de surprise.

Ce rythme mou tient aussi à la mise en scène de Lucas, dont les véritables qualités de cinéaste, visibles uniquement dans ses premiers films, sont assez absentes de Star wars. Aussi bien les scènes de dialogues que d’action souffrent d’une réalisation trop frontale, sans aucune force dramatique. Les combats au sabre laser paraissent bien désuets à l’époque de Matrix et MI2, et Lucas n’a rien fait pour les dépoussiérer (hormis une amusante intervention de Yoda, déployant ses talents de Jedi). Sans compter que le jeu d’acteur et les dialogues sont pour ainsi dire nuls, figés dans un premier degré d’un autre âge. Mais, finalement, L’Attaque des clones rentre dans une catégorie à part, ne répond pas aux critères habituels du cinéma : Star wars est une énorme machine où la poésie futuriste sert une sorte de marketing de l’imaginaire. Lucas est parvenu à un tel degré d’auto-promotion qu’il transgresse les catégories connues du cinéma et n’a même plus besoin en quelque sorte d’être cinéaste. Ce n’est pas un préjudice, tant qu’il n’a pas la vanité de s’octroyer la réalisation du film.