Avec Hollywood ending, Woody Allen renoue avec la figure du héros en proie aux affres de la création qu’il a quelque peu délaissée depuis Celebrity et Accords et désaccords. C’est donc sans grande surprise qu’il ré-endosse les habits très peu fictifs du cinéaste torturé et hypocondriaque qui ont rendu son personnage célèbre. Même si ça fait longtemps que l’on n’espère plus un renouvellement artistique de la part d’un réalisateur qui nous livre ses films avec une régularité presque métronomique, Hollywood ending intrigue par les rapports étroits qu’il entretient avec la réalité. Alors que Catherine Breillat se met en abyme par l’intermédiaire d’Anne Parillaud dans son dernier long métrage Sex is comedy, Woody Allen choisit de s’incarner lui-même dans une sorte de fiction-miroir.

Hollywood ending fonctionne donc en grande partie sur les échos qu’il entretient avec le réel. Réalisateur oscarisé dans les années 70,Val Waxman (W.Allen) vit très mal les années 80 et sa mise au ban d’Hollywood pour cause de crise auteuriste aiguë. Réduit à cachetonner dans la pub, il se voit proposer par son ex-femme la mise en scène d’un film à gros budget sur New-York…produit par l’amant de cette dernière, ponte d’un grand studio. Avec Hollywood ending, Woody Allen règle définitivement ses comptes avec l’industrie du spectacle hollywoodienne qui en prend pour son grade tout du long. Mais, heureusement, l’aigreur n’est pas au rendez-vous, car c’est avec une distance amusée que le cinéaste contemple sa situation de paria californien. Alors que le film déroule son canevas de manière routinière -entre les crises de logorrhée verbeuses de l’auteur, les piques à l’encontre d’un Los Angeles superficiel constamment opposé à un New-York arty, et les accents vaudevillesques de l’intrigue-, il finit par se libérer de la sensation de déjà-vu grâce à un hilarant retournement de situation.

Au moment de commencer le tournage -et par la même d’emprunter la voie d’un possible retour en grâce-, Val devient soudainement aveugle, victime d’un de ses nombreux délires psychosomatiques. Il s’agit alors pour lui et son agent de cacher son handicap à toute l’équipe. Val réalise donc un film sans en voir vu une seule image. La mise en place de cette imposture donne lieu aux meilleurs moments de Hollywood ending et prend la forme d’un gag vertigineux d’humilité quand, par la suite, ledit film est bien évidemment éreinté par la critique US et encensé par les Français. Avec son nouvel opus, Woody Allen s’amuse avec son image et adopte un ton résolument léger comme s’il était désormais très loin des contingences matérielles qu’il stigmatise. Sans aucun doute la séance de psychanalyse de l’auteur la plus drôle depuis longtemps…