Dès la première scène de Sophie Scholl, les derniers jours, tout est joué. Musique taratata qui bave à travers les plans, entre synthé de supérette et jingle pour magazine d’investigation, cette partition (coupables : les dénommés Reinhold Heil & Johnny Klimek) dont on jurerait qu’elle a été écrite pour un mauvais film d’action, non seulement flingue la scène mais aussi révèle le programme du film : l’embaumement d’une figure historique dans l’univocité de son action, sans questionner celle-ci, sans en percer la valeur, mais seulement vérifier quelles valeurs à l’évidente grandeur elles symbolisent. Ce que tapissent ces accords de Bontempi enrhumé, c’est l’initiative fatale de Hans et Sophie Scholl, animateur de la Rose Blanche, mouvement pacifique d’opposition au nazisme, les plus célèbres -parce que rarissimes- résistants allemands à Hitler. Fatale, parce que les tracts appelant au renversement du IIIe Reich qu’ils distribuent dans leur université leur valent d’être interpellés par la gestapo et conduits dans une prison où ils vivront leurs derniers jours avant d’être jugés puis exécutés, en février 1943. Figée dans le chromo, empaillée déjà, Sophie Scholl est la grande absente du film. Que reste-t-il à jouer, alors ? Ou plutôt à rejouer ?

La comédie de la reconstitution. Déjà la scène de distribution des tracts ne fonctionne pas : les Scholl frère et soeur arrivent à l’université de Munich déserte pendant les cours, avec deux valises pleines de tracts anti-nazis, les déposent par tas devant les portes des classes, avant d’en jeter un paquet depuis un balcon. Ce qui ne fonctionne pas ? L’insistance du film à montrer que tout ce que font les Scholl relève quasiment du surhumain. Bien sûr que déposer ces tracts relève d’un courage inouï. Mais on assiste dans cette scène, sur une musique digne des roulements de tambour de L’Agence tous risques, à d’incompréhensibles et complètement gratuites manipulations de valises : Sophie et Hans prennent chacun un couloir, puis entreprennent un mystérieux échange de valises qui a priori contiennent toutes la même chose, curieux manège totalement vain, qui voudrait dire qu’en plus d’être des héros, les Scholl sont des sortes d’experts de la distribution de tracts. Réalisme de carton, qui se poursuit tout au long du film, lorsque Sophie et Hans sont aux prises avec la gestapo, dont les représentants ont tous des bonnes grosses têtes de bons gros nazis. Le sous-fifre conduisant Scholl de sa cellule aux interrogatoires a la moustache et la mèche d’Hitler ; le juge qui condamne les Scholl et un de leurs compagnons à mort est un cerbère déplumé, aboyant toutes veines dehors contre les prévenus. Quand il y a si peu d’espace entre les faits et leur bégaiement par la reconstitution, par où voulez-vous que passe l’histoire ?