Perturbé par le divorce de ses parents, un môme atterrit dans un collège de banlieue. Tout sauf une ZEP : on est ici dans l’enfer middleclass pur sucre. Les mieux lotis forment un corpus insoutenable de conformisme, les quelques miséreux un autre archi strange. En l’occurrence, une triplette : le môme fraîchement immigré dans le quartier, flanqué d’une paire de jumelles, deux Africaines mutiques qui passent leur temps à squatter les riches appartements de leurs camarades, déplacer les meubles, picoler et fumer des pétards. Laurence Ferreira Barbosa filme leur rencontre comme une fatalité. Le jeune doit se fondre dans un groupe, choisir entre marginalité totale et âge con-concentrationnaire – le goûter suicidaire de bienvenue, pur morceau d’horreur sociale.

Comme mise en bouche, on a vu plus subtil, mais celle-ci a au moins le mérite d’entrer dans le vif du sujet. C’est à dire squatter, cisailler l’intimité à la serpe, propriété privée, corps, biens matériels. L’expérience a ceci d’intrigant qu’elle se cantonne à une sorte d’onirisme glacé. Les ressorts du thriller se recouvrent de burlesque chic, l’allégorie sociale clignote à intervalle régulier. Les cambriolages se succèdent dans un crescendo mou assez désespéré : d’abord un apéro, servi en langage des signes, un costard qu’on enfile pour le montrer aux copains, puis un touche-pipi parfumé au cannabis qui mènera plus tard à une partie à trois dans la piscine d’un bourgeois pervers qui entre en scène la langue pendante. Mais la cinéaste tient ce qu’elle est venue chercher : saper le naturalisme ambiant, malaxer les codes du portrait d’ado en souffrance.

C’est sûr, de ce point de vue, ça fonctionne plutôt bien. En dépit de l’intention sans cesse placardée, une étrangeté bien réelle gaine la dérive perso, les espaces s’étirent, s’effritent plutôt, à l’image de cette séquence où l’enfant file ses deux copines quittant le collège stalinien et s’enfonce dans un sentier bordé de ruines. Néanmoins, le film manque clairement d’amplitude pour se transcender, s’en remettant à une alternance binaire violence / hébétude pas folichonne et malheureusement auto-satisfaite. Mais tout cela est trop malin pour sombrer dans l’arrogance pure. Le finale, très mélo classique, sonne comme un claquement de doigts rompant une séance d’hypnose : pas une once de gras ni un pet de travers, Soit je meurs, soit je vais mieux n’est pas loin d’être un film forain, un tour de manège au pays des clichés et du cinéma d’auteur à la française.