Pas si courant les premiers longs-métrages qui donnent le sentiment d’une plénitude formelle (plus que d’une maîtrise). Rome plutôt que vous est de ceux-là, qui suit le parcours de quelques personnages en quête d’ailleurs dans une Alger désolée. Désolée, évidée, fantôme, une ville qui s’inscrit dans la droite ligne de celles que le cinéma moderne a mis en scène, particulièrement chez Antonioni, figure tutélaire qui plane au dessus du film sans jamais être écrasante. Le cinéma moderne et ses continuateurs (Jia Zhang Ke, par exemple), n’en finit pas d’extirper des non-lieux et des zones incertaines des abords des villes matière à une sorte de poétique désaffectée, à instiller un parfum de déshérence qui, chez Tariq Teguia, prend aussi une forte coloration politique.

Son Alger, ces rues dans lesquelles on marche sans trop savoir vers quoi on se dirige, cet hallucinant quartier de « La Madrague », avec ses villas à moitié construites, aux façades impénétrables et aux volets clos, derrière quoi suinte un délétère sentiment de complot, tout renvoie à l’impossibilité de construire quoi que ce soit. Entre la fuite vers l’esclavage dans les pays occidentaux et l’enlisement quotidien du local (dont la séquence en voiture dans La Madrague est l’exemple le plus cinégénique), les personnages sont pris dans une gangue mortelle de laquelle ne peuvent s’échapper que quelques éclats poétique de liberté (le foot sur le plage, les plans « vides » libérés de la pesanteur des choses) amenés irrémédiablement à retomber dans l’horreur de la guerre lente (le plan séquence avec les flics dans le café).

La beauté de Rome plutôt que vous vient de là, d’une façon de faire le récit de l’Algérie contemporaine par des lieux, qui ne peuvent jamais prétendre à se constituer en lieux de mémoire, tant le symbolique, la référence à l’Histoire semblent avoir désertées le cadre. Des lieux sans objet, sans origine ni destination qui ne signifient plus rien.