Avec l’excellent Mondovino, Jonathan Nossiter pointait les effets pervers de la mondialisation, stigmatisant par là le crypto-fascisme (c’est son expression) sécrété par le système. Rio sex comedy se voudrait une sorte de remake fictionnel du film précédent, à la différence près que le lieu reste cette fois, une unité fixe. Donc logiquement, la variable, ce sont les gens qui investissent la cité carioca : politiques de passages, artistes bobos, chirurgiennes esthétiques et accessoirement le peuple autochtone, pauvre mais amusant, qui braque ou encaisse avec le sourire. Il va sans dire que Nossiter, bien qu’il habite la ville depuis longtemps, connaît beaucoup mieux la première catégorie, soit les touristes, symboliques ou réels. Il n’a rien contre, bien au contraire, leur point de vue respectif se substituant à ses préoccupations altermondialistes, partageant avec lui ce goût de la flânerie roots : un diplomate américain (Pullman) se réfugie dans une favela pour comprendre la chair de ses dossiers. Une sociologue française (la revenante Irène Jacob) enquête sur le clivage favelas-quartiers riches en interrogeant des employées de maison. Enfin, une chirurgienne britannique (Charlotte Rampling) entreprend une croisade anti-botox.

Trois destins parallèles qui se rejoignent sur une conclusion fun et libertaire, réduisant Rio à un vaste terrain de jeu, où la question sociale n’est qu’un banal point de départ. On ne voit pas tellement où se situe la subversion là-dedans, sinon le cynisme du film lui-même, amusé par son jonglage symbolique hasardeux et les paradoxes de ses personnages-colons. Sommet d’horreur, qui résume à lui seul la mauvaise pente idéologique prise par Rio sex comedy, le segment Irène Jacob qui commence par une enquête sérieuse dans les favelas, pour dégénérer progressivement en plan cul dans une suite de luxe à Ipanema, puis en vaudeville géant où cocus et cocufieurs jouent à cache-cache dans la ville.On est alors loin, très loin de la lutte des classes et de la fureur croissante concédée en préambule par des femmes prolétaires interviewée distraitement par un atroce cameraman franco-soixante-huitard. La faute à la mise en scène, d’abord sarcastique vis-à-vis du personnage, puis rapidement séduite par ses pérégrinations lunaires, soumise comme un petit toutou, au point d’occulter tout le reste – les Brésiliens et les pauvres, tous réduits à des clichés grotesques, instrumentalisés jusqu’au trognon.

Cette inclinaison à la tendresse a deux conséquences : rendre le film détestable, et le détraquer formellement, l’entraînant de clichés piteux en blabla théorique (la partie théâtreuse des amazoniens, consternant), aux confins du nanar d’auteur. La vérité se dénude aussi vite que les beautés des bidonvilles : la comédie n’est pas le truc de Nossiter, qui par impuissance, se réfugie par défaut dans le zapping sociologique et la fantaisie bavarde. Rien qui ne tient la longueur ici, ni l’humour (le business guide des favelas dure un plan, à peine), ni même la sensualité, censée inspirer la comédie ou prendre le relais ; encore moins les incursions dans les favelas, petits tours de force soigneusement vendangés par le cinéaste, tiraillé entre sa fierté baroudeuse de pénétrer une zone de non-droit, et ses velléités angélique de citoyen du monde. Le film, qui s’effondre au bout de vingt minutes, n’a même pas le temps d’achever sa mise en place, dévolu à une terrible fuite en avant, toujours contrarié, constamment faux derche. La scène où le personnage de Rampling, venue au Brésil en épicurienne, finit par mimer une partie de plaisir avec deux éphèbes pour épouvanter son fils, est un juste reflet de ce bidule grand-bourgeois, moins jouisseur que simulateur, rigolard tout au plus.