De Wes Craven, on n’attendait plus grand-chose depuis une incroyable suite de flops ou de compromissions (Musique au coeur, Scream 3, Cursed). En cela, Red eye est une micro-surprise, absolument pas un grand come-back, mais au moins un retour vers quelque chose d’un peu plus en rapport avec ce que l’on peut espérer du cinéaste. Petit thriller sec et épuré, mise en tension du spectateur, pur jeu de mise en scène : autant d’ingrédients qui, sur le papier, devraient faire oublier les abîmes de cynisme dans lesquels était tombé Craven au cours des années 1990-2000. Epure, donc : une jeune fille spécialisée dans le relationnel clients pour un grand hôtel se retrouve prise en otage par un tueur à gage qui l’oblige à devenir sa complice au cours d’un vol de nuit.

Si l’aspect Collateral du pauvre plombe beaucoup l’intrigue de Red eye, Craven y trouve néanmoins l’occasion de maintenir une tension continuelle, dépassant la commande (et ce script qu’il n’a pas écrit) par de petits tours de force de mise en scène. Etrangement, ce n’est pas dans la première partie claustrophobique dans l’avion que s’y déploient les meilleures idées, mais dans la seconde à ciel ouvert, réduite en traque délirante entre le tueur et sa complice retorse. Chaque pic, dans la demeure de l’héroïne ou au cours de l’assaut au missile de l’hôtel, permet de voir que le maître, sans forcer, n’a rien perdu de son talent : sens du cadre, découpage à la limpidité effarante, méchanceté et perversité d’une mise en scène qui explose par à-coups (parfois un plan : celui par exemple de la roquette lancée contre l’hôtel filmée de manière documentaire comme une image traumatique du 11-Septembre). Il y a toujours chez Craven un équilibre entre élégance et frontalité qui passe ici par l’oscillation du film entre sécheresse et farce, film d’action ou thriller à suspense et satire.

On peut bien sûr regretter l’évolution du cynisme du cinéaste en fatigue ou résignation, le film, dans sa modestie, ne trouvant même plus la force de sortir une très grande scène (comme par exemple dans Scream 2 et sa séquence des miroirs perdue au milieu d’une infâme bouillie). Reste qu’un Craven en demi-teinte mais repartant sur des bases assainies vaut sûrement mieux que celui des catastrophes précédentes, et que la voie semble à nouveau ouverte pour que l’on ne sache plus quoi attendre de lui : de la part d’un cinéaste déclaré cliniquement mort il y a encore quelques mois, voilà qui est plutôt une bonne nouvelle.