A l’heure où paraîtront ces lignes, on saura si Dalakhani, le grisou champion de l’Aga Khan, a connu la consécration méritée face à ses challengers High Chapparal, Doyen et Ange Gabriel dans le Prix de l’Arc de Triomphe, ce dimanche 5 octobre à Longchamp. A peine remis de leurs émotions, les aficionados de la chose hippique, une fois n’est pas coutume, iront dans les salles obscures avec le secret espoir de prolonger les effets de l’adrénaline, histoire de passer sans vergogne d’Equidia et Paris-Turf à Hollywood. En écartant volontairement Le Gentleman d’Epsom avec Jean Gabin et Un Jour aux courses des Marx Brothers, on peut dire du film de Gary Ross qu’il est le premier consacré aux courses de chevaux, où action et narration se décident au coeur d’un peloton lancé à 60 km/h sur le dirt. Gros et lisse gâteau lacrymal, Pur sang raconte l’histoire du mythique Seabiscuit, légendaire cheval des années 30, héros de la grande dépression américaine, tardive vedette des courses qui imposa sa loi sur la Côte Ouest jusqu’à affronter et vaincre le crack de la Côte Est, War Admiral, beau comme une statue et lauréat de la Triple Crown, au cours d’un duel mythique qui passionna les foules -époque bénie des courses où Roosevelt était pendu à sa radio pour écouter la retransmission du Santa Anita Handicap. Seabiscuit, donc, fabuleux animal, petit-fils du légendaire Man O’War aux genoux cagneux, court sur pattes, les flancs saillants et la robe terne, hargneux comme un poney vicieux, traînant sa misère sur des champs de patates avec d’autres tocards de courses à réclamer jusqu’à ce qu’une rencontre avec un self made man, un entraîneur mutique et un jockey borgne le métamorphose en machine à gagner.

Revanche des petits, des peu glorieux, hymne sans nuance et légèrement nauséabond au rêve américain (dans le contexte de la grande dépression, il fallait oser), et mise en scène lénifiante avec comédiens accablés par le poids du mélo et lumière filtrée oscarisable : le film n’a rien pour plaire, mélange de biographies curieusement romancées (les véritables histoires de l’entraîneur Tom Smith et du jockey Red Pollard sont bien plus rocambolesques que leurs équivalents fictionnels) et de considérations niaises sur le destin. Restent les courses elles-mêmes, dont on aurait pu craindre qu’elles fussent les scènes les plus négligées, les fabricateurs du film comptant sur l’indulgence involontaire des néophytes. Grâce soit rendue à Gary Ross, cinéaste et amateur de courses (il est co-propriétaire, avec Spielberg entre autres, de Atswhatimtalknbout, qui a terminé quatrième du Kentucky Derby cette année, monté par Gary Stevens qui incarne dans le film le jockey George Woolf), d’avoir mis les bouchées doubles pour filmer avec intensité et quelques bonnes idées les épiques empoignades entre Seabiscuit et ses rivaux. Ce n’est pas aussi limpide que les envolées de Sea Bird, pas aussi enivrant que les doubles accélérations de Peintre Célèbre ou les lignes droites Arazi, pas aussi bouleversant que l’ultime victoire d’Ourasi dans le Prix d’Amérique, c’est simplement l’occasion, au cœur d’un film aussi ronflant, de se laisser ravir quelques minutes par un cortège d’anges au poil brillant.