Malgré Promenons-nous dans les bois, tentative piteuse d’importation du slasher au début des années 2000, Lionel Delplanque revient, chargé à bloc. Président, voila un nouveau problème : casting composite allant du parangon de la modernité version Pif paf magazine (Dupontel) aux couteaux suisses du cinéma français (Rénier, Rich, Doutey), un sujet super sérieux et rarement traité chez nous. Qui es-tu « Président » ? Chichi, Tonton ou Sarko ? Pourquoi portes-tu des lunettes de soleil à la moindre éclaircie ? Et quelle est cette « arme propre » qui inquiète tes conseillers dans les coulisses du pouvoir ?

Président, c’est davantage un programme qu’un film, un rêve, une ambition de divertissement hollywoodien greffé aux moeurs du cinéma français. Sont convoqués Oliver Stone et Yves Boisset, des clins d’oeil appuyés aux présidents de la cinquième république, une volonté de soigner le cadre et de caser quelques idées formelles par pur besoin d’épate. Le choix d’Albert Dupontel dans le rôle du chef de l’Etat synthétise les enjeux et l’échec de cette équation brinquebalante. Il convient ici d’insuffler de la noblesse au cinéma de genre en le prenant au sérieux, en s’y rattachant à corps et à cris. Dupontel joue ce qu’il aimerait être mais ce qu’il ne sera sans doute jamais : un acteur de composition intense et racé, un type qui contient tout (charisme, oeil de tueur, plaies béantes d’un passé refluant) en marche forcée.

Dans ses conditions, Delplanque rejoint alors les Boukrief et autre Christophe Gans, jouant sur une idée de quintessence mégalomaniaque pour le moins pathétique. Des repas somptueux aux chandelles au design rutilant d’une planche de BD, on enchaîne sur un flash-back fauché d’une ambassade africaine au bord du chaos avec trois figurants coiffés façon Jackson Five, plus une vieille merco aux phares jaunes. Ça n’est pas rien : le film oscille entre mille choix mais n’en anime aucun, constamment en exposition. L’écriture est l’avenant. Le président, qu’on imaginait portrait et moteur de l’intrigue, n’est au fond qu’une lourde carcasse remorquée par une flopée de personnages secondaires. Delplanque s’y attarde avec une complaisance motivée par la peur du vide. De la fifille au mentor décadent, ils déroulent une quête initiatique balisée par les clichés. La palme revenant à Jérémie Renier dont la prestation guignolise son pré-carré dans le cinéma français : jeune idéaliste (son père anarcho s’est suicidé en prison), il veut faire péter le système, mais se compromet au contact du pouvoir. Au passage, c’est la grande question bégayée par le film. Delplanque y apporte un constat subliminal du plus triste effet. La politique ou le cinéma, c’est vachement compliqué.