Bernard Frédéric a un drôle de métier : Claude François. C’est le meilleur de sa génération, un sosie dansant et chantant avec ses quatre choristes et son manager, un boulimique benêt (Jean-Paul Rouve). Lorsqu’il se lance dans une compétition de sosies après quelques années de retraite, Bernard se trouve face à un dilemme terrible : demeurer Claude François ou garder sa femme, qui ne supporte plus son manège. Si le film de Yann Moix se veut avant tout une réflexion sur l’idolâtrie et les phénomènes de dépendance, il ne faut pas s’y tromper : c’est avant tout une grosse comédie à l’ancienne sans autre enjeu que de mettre en avant son artificier principal, Benoît Poelvoorde, en une suite de tableaux délirants.

Le principal problème du film est de n’être quasiment pas « mis en scène ». Yann Moix, qui signe là son premier long, filme chaque séquence à même distance, qu’il s’agisse d’un passage intimiste ou d’une scène de concert, sans jamais témoigner d’un regard d’ensemble sur le film. D’où une impression de monotonie dramatique, de figement du récit décevant car les rebondissements et idées de scénario, pourtant, sont bien là. Deuxième problème, qui suit le premier : Poelvoorde ne sait pas danser, ce qui impose, dans les séquences de comédie musicale, un découpage étrange empêchant la folie de prendre. Mais au fond, l’essentiel n’est pas là et, bien vite, Podium trouve un rythme qui lui est propre, assez déceptif, trouvant matière à décrire, souvent de façon très féroce, un petit groupe de musiciens ringards et pathétiques écumant parkings de zones industrielles et salons de seconde zone.

Dans ce domaine, Poelvoorde emporte bien vite tout le film dans son sillage, répétant inlassablement des figures déjà vues dans Les Portes de la gloire ou chez Harel : petit animal enflé de suffisance et de mépris, jouant du coup bas et de la mesquinerie contre les petites gens avec une incroyable énergie burlesque. On peut s’attendre à l’éternel volet sur le mépris et le manque de générosité de ce cinéma-là, dont Poelvoorde est en quelque sorte la mascotte officielle. On peut aussi, et c’est le seul moyen de supporter le film, apprécier cette méchanceté féroce et radicale, une sorte de cynisme sans concession qui, à la petite comédie des familles, préfère la satire-kamikaze, jouissive et dénuée de tout populisme, suivant la seule logique du ça passe ou ça casse. Avec un Poelvoorde au sommet de sa forme, ça ne peut de toute façon que continuer à passer, et de la plus belle des manières.