Dans son émulation technique, l’animation évolue aujourd’hui selon une logique de concurrence et d’offensives à tout va. Mais cette intensité a aussi ses revers, notamment le jugement intraitable envers de petites écuries face au trust Pixar. Ce genre de réflexe s’impose dès que l’on atterrit sur cette Planète 51. Dans cette coproduction anglo-espagnole (un transfuge scénariste de Dreamworks a néanmoins signé le pitch), rien de bien détestable, vraiment. Mais son allure de crapoussin dans un monde aussi aventureux que celui de l’image de synthèse (CGI, pardon) révèle très vite son statut de baudruche.

Sans doute le film aurait gagné à n’être qu’un court métrage (encore une leçon à prendre chez Pixar), tant sa note d’intention se présente comme la seule réjouissance du spectacle. Un astronaute humain atterrit par hasard sur une planète peuplée de petits hommes verts (cousins falots de Shrek), dont les mœurs et le décor ressemblent peu ou prou à ceux d’une American way of life coincée dans les 50’s. Perçu comme une menace du 3e type, l’aventurier spatial (produit dérivé d’un Buck Rogers meets Buzz l’Eclair, fourni sans neurones) trouve refuge chez un gamin, seul habitant de la planète décidé à user de diplomatie à l’attention du naufragé.

Il y a certes une jouissance immédiate à admirer cet impérialisme américain d’opérette recoloniser son propre territoire. De Capra à Desperate housewives, le décorum domestique de la banlieue middle class, avec ses avatars clicheteux et ses pelouses uniformes, a quelques heures de vol derrière lui. Belle logique de croire qu’il pourrait prendre les formes d’un espace vierge à conquérir. Dommage que l’équipe de Jorge Blanco n’y ait vu qu’un terrain de jeu pseudo-maniériste où se rejouent tous les poncifs référentiels au cinéma de SF De la place centrale (Retour vers le futur) aux animaux domestiques (des ersatz baveux d’Alien), la Planète 5 ne ressemble finalement qu’à un Tour Operator pour geeks boulimiques de toute une cinéphilie de genre. Loin semble la grâce d’un WALL.E, qui questionnait le même héritage culturel, sur un mode autrement plus désespéré. Mais le pire réside ailleurs.

A jongler avec autant d’emprunts, la trame ploie sous le poids d’une gaudriole satisfaite d’elle-même et la muséification tourne rapidement à vide. Pressée de conclure, l’embarcation se saborde elle-même devant tant d’indigence à recycler une tutelle dont elle n’a retenu que les symboles les plus balourds. L’écran de fumée ne peut masquer éternellement le manque d’épaisseur de ses personnages (la prestation d’un Vincent Cassel en doublage n’arrange rien) et la linéarité de son récit. Si encore le résultat exploitait son potentiel comique, mais non (les gags sur l’éventuelle homosexualité de certains personnages sont d’ailleurs assez suspects). A tout dégainer dans un premier tiers, Planète 51 semble avoir oublié, au vu de la pantalonnade finale, sa condition même de long métrage. Le lot de beaucoup de purges.