Semaine après semaine se poursuit la chronique d’une impuissance désignée depuis longtemps, trop longtemps, et qui n’a sans doute pas de fin (on n’y croit plus) : impuissance du cinéma français à se frotter au genre, à produire, non pas un chef-d’oeuvre, non pas un grand film, on n’en demande pas tant, mais juste un film honorable, pas honteux. Quelque chose qui tienne la route, auquel on croit encore après trois plans, et qui ferait mentir l’adage, mille fois vérifié, qu’on s’ennuie moins devant un mauvais film américain que devant un mauvais film français. Mais on a beau partir vite, on a beau revenir tard, rien n’y fait : le spectacle d’une telle médiocrité n’étonne plus -à quand remonte la dernière bonne surprise ? Après Truands qui, la semaine dernière, la jouait bourrin, scorsesien, grosses couilles, après Ne le dis à personne qui, fin 2006, la jouait nerveux mais élégant, tendu mais retors, voici Pars vite et reviens tard, qui, ce mercredi, la joue atmosphérique mais classieux, dépressive mais romanesque.

Surprise, d’abord, de retrouver Régis Wargnier aux manettes de cette adaptation d’un auteur en vogue, Fred Vargas. On sent que la tentative thriller est pour lui la tentation de mettre ses recettes (un académisme empâté vaguement incarné par moments) à l’épreuve d’un genre qui excède ses propres réflexes. Histoire de s’obliger, beau challenge, à mettre les mains dans le cambouis. Thriller ambiance, donc : de mystérieux signes sont peints aux portes de certains domiciles parisiens. Qui est le tagger ? Très vite les sortes de 4 à l’envers sont identifiés comme des symboles médiévaux annonçant le retour de la peste. Brrr. On rigole mais c’est plutôt un point de départ excitant et, nonobstant une ouverture ringarde et plombante (José Garcia larguée par madame à coups de plans au ralenti sur musique tristoune et raccords fondus), on se prend à y croire un moment. On a envie. On est chaud comme la braise. La tension monte.

Puis, patatras : très vite le désastre saute aux yeux et la pente nanardisante du film s’affirme à mesure que l’intrigue gonfle comme une baudruche. Le désastre, c’est l’interprétation catastrophique des comédiens (mention spéciale à Marie Gillain), les énormités du scénario (et qui saura nous expliquer comment le véritable assassin s’y prend pour zigouiller ses victimes ?), l’esprit de sérieux du tout, ce découpage qui cherche la fluidité et trouve la lourdeur, et cette lumière patinée qui veut faire prestige, atmosphère, noirceur mais ne parvient qu’à poser sur l’ensemble un vernis grandiloquent du pire effet. Et puis -signe qui ne trompe pas- le film vous explique tout bien correctement à la fin : un peu comme dans le Canet, on prend un fauteuil, on écarte les orteils et on vous repasse plusieurs fois l’explication du schmilblick, flash-back à l’appui, parce qu’on n’a pas, parce qu’on n’a jamais réussi à vous faire croire, adhérer au reste. Entre autres bonnes intentions, Wargnier avait une bonne idée : filmer Paris -ça n’est pas si fréquent. Mais l’enfer du bis est lui aussi pavé de bonnes intentions.