« Moi, je t’attends » répond Jean (interprété par Marc Barbé, toujours aussi surprenant et insaisissable depuis Sombre de Philippe Grandrieux) à Paddy (Julie Gayet, méconnaissable) qui lui demande « Et toi, tu te remues, toi ? ». Paddy se trouve dans un état d’après déluge, littéralement détruite par la mort de Ben, dont elle partageait l’amitié et l’amour avec Jean. Lui, tout en violence concentrée, s’en sort plus ou moins. Elle, implose.
Paddy boit à larges goulées des bouteilles de coca, sans respirer. Quand elle en finit une, elle en décapsule une nouvelle. Deux à trois fois d’affilée. La substance gazeuse semble participer à la désintégration interne de son être.

A leurs côtés se trouve un couple d’amis, Paul et Norma. On ne sait pas vraiment ce qui s’est passé avant. Depuis combien de temps se connaissent-ils ? Sont-ils vraiment intimes ? Quelle fut leur place, leur rôle au sein du drame de la mort de Ben ? Le film de Gérard Mordillat a la délicatesse pendant ses deux premiers tiers de ne pas répondre à ces questions. Ensuite, le charme de l’incertitude se brise, la sœur de Ben apparaît dans leur vie, Paul déclare sa flamme à Paddy et les deux hommes décident de faire un casse dans un supermarché. Ce retour à un scénario bien plus lisible et attendu signe la fin de la déliquescence, seul véritable attrait du film.

Car c’est dans ces moments où le couple se dissout en deux êtres meurtris que Paddy nous touche profondément. Servi par deux acteurs magnifiques au jeu tendu, une lumière sombre mais contrastée, un décor sobre, le film de Gérard Mordillat s’appuie sur une histoire qui n’est finalement qu’un support à l’ambiance. Dans la pénombre d’une maison aux volets fermés. Dans une chambre dévastée. Sur un sol jonché de bouteilles vides. Un couple s’enlace, intensément. Jean glisse à l’oreille de Paddy : « Nous deux, pire c’est, mieux c’est. »