Le premier film de Neil Labute nous était apparu comme un ovni cinématographique tant la méchanceté affichée et assumée y était présente (une sourde-muette faisait l’objet d’un pari entre deux cadres moyens : pour gagner il fallait coucher avec elle et ensuite l’humilier en lui disant la vérité). Le second long métrage du réalisateur tend à nous faire réviser notre jugement : le vitriol du premier film ne serait-il après tout qu’un vulgaire cynisme teinté d’une forte misanthropie ?
Dans Entre amis et voisins, six new-yorkais, la trentaine bien entamée, nous jouent une espèce de vaudeville soi-disant moderne. Les uns sont en couples, les autres célibataires, mais tous ont un point en commun, le sexe triste. Mal baisés ou baisant mal, il ne leur reste plus qu’une alternative : en parler, toujours en parler, à défaut de le faire. Littéralement bloqués au « stade oral », ils pérorent tour à tour sur leurs expériences, leurs fantasmes. Mais la parole, loin de révéler la vérité sur les personnages, sert avant tout de façade à leur mal-être. Préliminaires inaboutis, dragues sans lendemain dans des galeries d’art ou des librairies chics, les personnages d’Entre amis et voisins ne sont que des pantins au service d’un metteur en scène particulièrement aigri.

Tout cela est extrêmement froid et bavard. La mise en scène, composée fréquemment de plans fixes, accentue l’aspect théâtral d’un film qui se réduit avant tout à de « brillants » dialogues et digressions sur le sexe. Le réalisateur observe tout cela d’un œil froid, ne se met jamais réellement en danger. Seule une scène émerge de cet iceberg : Cary (Jason Patric), séducteur macho, entouré de ses potes au sauna, raconte sa participation à un viol collectif d’un camarade de classe durant son adolescence, et avoue que c’est l’expérience qui lui a donné le plus de satisfaction du point de vue sexuel. La glace se fissure mais l’émotion est furtive et se retrouve vite diluée dans l’ennui profond que provoque le film. Le reste évoque un sous Woody Allen qui s’encanaillerait un peu plus que d’habitude, et qui aurait surtout perdu son sens de l’humour.