Est-ce faire insulte à M.Resnais d’écrire que ce film-là, plus encore que le précédent, est avant tout celui de deux scénaristes-dialoguistes formidables, inspirés, tendres, caustiques et ludiques, en phase exacte avec leur temps, et tout ça encore?… Que, plus encore qu’hier, les Jaoui / Bacri ont écrit un divertissement (au sens noble du terme) parfaitement rythmé pour le cinéma -sûrement plus, en tout cas, que leur première et bien longuette tentative Resnais (Smoking / no smoking), et, à un moindre degré, que les adaptations à l’écran de leurs pièces de théâtre (Cuisine et dépendances, et, surtout, Un Air de famille)… Mais, qu’hélas, ces deux virtuoses n’ont pas vraiment trouvé dans M.Resnais l’illustrateur » idéal de leurs saillies acerbes et délirantes sur les us et coutumes de nos contemporains…

La preuve ? On ne la trouve pas plus loin que dans le prétexte même du film, la mise en chanson, ponctuelle et impromptue, des pensées ou préoccupations des protagonistes de ce chassé-amoureux. C’est là, probablement, d’où devrait jaillir le plus souvent le rire, et c’est à ces moments-là, justement, que l’on se sent le plus gêné de la maladresse du metteur en scène à intégrer ces refrains populaires dans le fil de la narration… OK, Azéma en train de chanter « Résiste ! » de France Gall, ça vaut le détour (une fois, en tout cas, parce qu’au bout de la troisième, l’effet de surprise commence à sérieusement s’émousser…) ; mais, à deux ou trois autres exceptions près (qui reviennent d’ailleurs pour la plupart à l’excellent Dussolier), tout ça tombe un peu comme un cheveu sur la soupe. Sans vouloir à tout prix jouer les déboulonneurs de statue, on se dit que le temps où Alain Resnais révolutionnait la grammaire cinématographique est bien loin ; on n’ose le dire (ce le sera sans doute plus que de raison), mais qu’aurait fait un Woody Allen de pareil script !?

Reste, et c’est essentiel, des comédiens tout heureux d’avoir en bouche un dialogue aussi jubilant. Et même si deux ou trois semblent user jusqu’à la corde des archétypes qu’on ne les a que trop vu incarner, tous à l’unisson font de ce qui aurait pu être un chef d’œuvre de poésie et d’humour un « simple » grand éclat de rire. Dans le paysage sinistré de la comédie française, ça ne doit pas se rater…