Dans Tout ce qui brille, Nakache et Mimran installaient un duo de copines partageant leur temps entre une barre d’immeuble à Puteaux, un petit job à la Défense et les soirées dans Paris. Les deux copines, Nakache et Bekhti, petites chipies noctambules, troquaient le jogging contre la robe du soir, le carrosse contre la citrouille et envoyaient bouler leur quotidien, installant le film dans le sillage honnête d’une comédie sociale populaire et pas honteuse. Nous york n’est que la déclinaison de ce schéma très classique : partir, faire ses conneries, puis revenir. Ici, trois copains décident de rendre visite à leurs deux amies qui se sont installées à New York. L’une est agent de star, l’autre travaille dans une maison de retraite juive.

Ce qui brille cette fois-ci, c’est New York, ville de promesses où semble totalement acquise l’extraction de la petite banlieue, image d’un parfait ailleurs qu’il faut forcément, pour le cinéma français, glaner outre-Atlantique. A vouloir dépasser les allers-retours Neuilly-Puteaux tout en conservant le même parcours initiatique, le propos sombre dans la parodie. Principalement parce qu’il lui faut en passer par une série d’aberrations scénaristiques : rien n’explique le retour des deux copines à Nanterre après deux ans idylliques passés à New York, sinon une sorte d’incompatibilité de fait entre la ville et ces personnages de cinéma français. Le film est coupé en deux, esquissant vaguement le début d’un conflit intérieur, mais il est davantage occupé à filmer New York comme parcours touristico-beauf, toujours filmé depuis ses balcons illuminés qui donnent sur des vues imprenables. A force de vues imprenables, le film lui-même se perd de vue, épuisé par sa tentative d’embrasser l’imprenable, de vouloir se faire New York, ville qui ne veut rien entendre de ce qu’a à lui dire le cinéma français et qui finit par déglutir ce qui ne saurait l’habiter trop longtemps : des Nanterrois qui pensent à leurs parents.

La grande force de Tout ce qui brille, c’était son réalisme social, sa cruauté muette, l’enchevêtrement des événements qui étaient tous instillés avec un souci du dosage quasi pointilliste. Nous york est le film que Tout ce qui brille avait réussi à ne pas être : grossier, beauf, mal fichu, pas drôle, préférant s’engouffrer dans une morale prête-à-l’emploi qui pourrait se résumer en un adage : n’oublie pas qui tu es. Ou encore : les amis, c’est quand même une deuxième famille. Loft contre barre de banlieue, paillettes contre potes d’enfance, vieille juive retraitée contre star du Cinéma, les termes restent invariablement binaires, d’un manichéisme outrancier. Et on ne peut résolument rien demander à cette morale beauf où les ambitions personnelles viennent magiquement s’atomiser aux contacts des potes d’enfance, comme si on ne pouvait rien contre le câlin d’un pote ou le sourire d’un retraité – autant d’images imprenables qui doivent nous laisser pantois. Ce genre de raccourci gaga, totalement absent de Tout ce qui brille, sclérose complètement le film et l’empêche de s’intéresser à sa trajectoire. C’est tout le problème du manichéisme, qui empêche précisément toute idée de cheminement : cette fine crête entre le noir et le blanc, entre le loft et la barre de banlieue, le film ne l’envisage tout bonnement pas. C’est aussi, peut-être, que New York commence à devenir l’ailleurs le plus inutilisable, le plus grillé du cinéma français (voir, récemment, 2 days in New York, de Julie Delpy). Il serait peut-être temps de se trouver un autre Eldorado. Nous Ganda ? Nous Dehli ?