Un jeune prolo retrouve son père, prolo lui aussi, lequel lui propose un braquage dans un entrepôt de banlieue. Banco dit le fiston, un peu inquiet à l’idée de sombrer dans le banditisme, mais tout excité de garder contact avec ce mystérieux paternel. Evidemment, tout foire, la faute à la société, aux rapports humains compliqués, aux flambées de violence de Gérald Laroche, mais ça on nous l’explique au bout de cinq minutes. Entre-temps, les deux fument dans un bistrot, une thérapie familiale s’ébauche aux Galeries Lafayette (« ton père est un gamin », lâche la mère vendeuse au rayon maquillage), la misère s’étale sur le zinc et les merguez grésillent près du Parc des Princes. Quant au cinéaste David Oehloffen, on en déduit au bout de trois plans qu’il ne sera jamais le James Gray du cinéma français, mais un Renaud sérieux qui aurait conservé son perfecto des années 80.

Nos retrouvailles témoigne du désert esthétique du polar tricolore, réduit à une grisaille banlieusarde où la sinistrose se boit dans la Suze et rien d’autre. Il faut voir la complaisance absolue avec laquelle ce téléfilm se love dans ce décorum desséché au point d’en faire disparaître purement et simplement tout enjeux d’action, comme si l’on ne gardait de Melville que les mises en place. Le rôle de Gamblin ? Une banale coquille vide affublée d’un passé virtuel seulement là pour sonoriser les dialogues. Son fils ? Ersatz de jeune loup, la bonne conscience du film dans la sacoche, médiateur de la misère à la petite semaine : la crise, c’est par ici, suivez-le, pleurez sur son sort et la dureté du monde.

Le naturalisme ne suffit pas, du moins celui d’Oehloffen. Même visuellement, le cinéaste s’en lasse vite : plans moyens par quintaux, faubourgs crépusculaires de type « c’est-beau-une-ville-la-nuit », reconstitution zoologique de la vie de bistrot auquel on injecte quelques tronches avinées ; rien, absolument rien qui fasse corps, mouvement ou regard singulier. Pic du film, la préparation du casse dans un salon cracra sonne la fin des illusions : refus définitif de la vitesse et des lois du genre, hésitation entre désacralisation du milieu (voyez comme le combinard est miteux) et tragédie humaine en guise de sel et poivre. On a rarement vu polar aussi blasé, dépressif et rasant que ce no man’s land culturel où tout est mimé, singé et joué d’avance.