Eric Toledano et Olivier Nakache sont très contents. Ils répètent à qui veut l’entendre que personne n’avait pensé un jour faire un film populaire sur les colonies de vacances. Ils ont raison les bougres, tout est là pour cartonner : courses en sac, premiers flirts, plaisir de la caricature, le tout galvanisé par l’identification et la nostalgie du public, il en faut peu pour que le film marche tout seul sur ses petits pieds. C’en est presque désarmant : aussi bien intégré à l’inconscient collectif, Nos jours heureux a du mal à exister en tant qu’objet de cinéma à part entière, qui plus est à se situer dans le temps. Les deux cinéastes ont bien tenté le coup en plaçant l’intrigue en 1992, mais tournent ça vite en gadget. Un détail ? Oui mais non, tant ce trou noir spatio-temporel pose la question de l’identité de la comédie française. Deux courants se dégagent en ce moment chez les jeunes : les expérimentateurs formalistes, et les ravaleurs (L’Incruste, Camping), ceux pour qui la modernité passe par la restauration d’un cinéma populaire industriel qui tournait encore à plein régime il y a vingt ans.

Dans Nos jours heureux la mise en scène s’apparente à un tricotage de canevas. Plaisir de repasser derrière les souvenirs du public, comme celui de réactiver les mécanismes de Zidi, Girault et Leconte : réalisme trivial, mixage des générations, marivaudage classique, jonglage des clichés dont la seule intensité assure le tempo. Le jongleur au départ, c’est Jean-Paul Rouve, acteur neuf mais rassurant parce que déjà familier. Il joue le directeur un peu déboussolé, clown et tombeur, allégorie des cinéastes qui n’ont ici qu’à assurer un rôle de catalyseur ou de guide de musée. La réussite du film tient dans cette volonté de maîtriser le rythme, de passer d’un personnage à un autre pour pur souci d’innerver le récit et d’en préserver la légèreté au maximum. Les personnages n’en pâtissent pas, tenus par des acteurs solides et dont la crédibilité fait office de jeu. C’est tout l’intérêt du film, remplir des cases vides de la manière la plus franche et directe, caster pour incarner, agglomérer les caractères pour faire rire, boucher les trous du scénario avec désinvolture. On ne rigole pas, le cinéma matelassé, il faut savoir le faire.