Quelques jeunes parents mal mariés se retrouvent un été à la campagne : Martin, violoncelliste mollasson, Ariane, sa caractérielle épouse sont bientôt rejoints par Constance, l’ex de Martin (rencontrée quelques jours avant par hasard au supermarché), et Simon, son nouveau riche de mari, puis par un autre couple et -enfin- un célibataire (mais grand tombeur devant l’éternel). S’ajoute à cette mini troupe une tripotée de nourrissons braillards et indisciplinés qui ajoutent leurs caprices et leurs gaffes à l’ambiance de plus en plus tendue des vacances. D’autant que Martin et Constance, qui croyaient en avoir fini de leur histoire, ne sont pas loin de souffler sur les braises de leur amour pourtant réduit en cendres. Autant de tiraillement divers pour un unique sujet à ausculter : la trentaine, le passage définitif dans les ténèbres de l’âge adulte.

Nos enfants chéris s’inscrit placidement dans une double tradition. L’une est déjà ancienne, héritée de Claude Sautet (Vincent, François, Paul… et les autres) : le repas de copains du dimanche au soleil qui peu à peu vire au règlement de comptes tandis qu’en cuisine s’éveillent ou se réveillent les sentiments. L’autre est plus récente et se rattache à quelques œuvres fortes du cinéma français des années 90 (Comment je me suis disputé de Desplechin, Dieu seul me voit de Podalydès) : la comédie dépressive et introspective de jeunes adultes peu pressés de grandir. Du mouvement de l’un (de la décontraction à la crispation, des pieds sur la table au poing sur la gueule) et du surplace de l’autre (le piétinement avant le grand saut, qui finit par broyer les élans évasifs de l’athlète trentenaire), Benoît Cohen ne retient que le versant comédie, non sans une certaine efficacité.

La douceur de la romance retrouvée entre Mathieu Demy (acteur central du genre dont relève le film, il était déjà le héros de Quand on sera grand de Renaud Cohen) et Romane Bohringer vient contrebalancer avec bonheur tout ce que le film peut avoir de pesant en matière d’accumulation -la concentration de personnages typés tient parfois du forçage sociologique- et de débordements poussifs. Le cinéma de ces trentenaires, freinant tant bien que mal l’arrivée inexorable de l’embourgeoisement, a des enfants sur les bras et des pères encombrants (Sautet donc, et Truffaut évidemment). Il lui faut maintenant conquérir son « âge d’homme », c’est le plus difficile.