Attention, parabole. Et même, effet norvégien oblige, parabole qui tue. Un type nommé Andreás, un peu Stéphane Freiss scandinave, arrive de nulle part dans une ville complètement lisse, sans la moindre aspérité, sorte de parodie de la vie où les gens sont gentils mais totalement dépourvus de personnalité. Il reçoit un appartement, on lui confie un emploi, une femme frigide mais souriante est d’accord pour être sa femme et coucher avec lui. Le café n’a pas de goût, les conversations sont superficielles, les gens n’ont pas d’intériorité, ni de désirs. Ça, là, c’est pas la vie, c’est pas possible, se dit notre héros, tandis qu’il se jette sous le métro, se prend cinq ou six fois la rame sur le museau et, bien que franchement déguenillé, n’arrive pas à mourir -preuve qu’ici quelque chose ne tourne pas rond. Décidé à s’enfuir de ce monde horrible, il découvre qu’un gus aux mêmes préoccupations que lui perçoit depuis son sous-sol les bruits délicieux d’un ailleurs, d’un autre monde où la vie aurait peut-être une saveur. Les deux révoltés creusent un tunnel, bientôt ils parviennent à passer la main à travers un mur et là, que tâtent-ils ? Une tarte aux pommes. Avec un vrai parfum de pommes.

Andreás, où es-tu ? Dans l’au-delà ? Qu’est devenu notre monde ? N’est-il que cela, une coquille vide, à la politesse et à la propreté répugnantes ? Allons-nous tout droit vers le fascisme ? Que cache l’idéologie Ikéa ? Mystère et boule de gomme. Norway of life est une fable éléphantesque avec des gros morceaux de métaphores dedans, le tout baignant dans une sauce à la Roy Andersson du pire mauvais goût. Ce n’est pas tant que cette parabole-là tue, fut-elle archi-ringarde, aussi insipide que ce qu’elle dénonce. C’est la parabole en soi qui tue. La parabole, la métaphore, c’est comme la poésie, ça devrait être interdit au cinéma, en tout cas quand, comme ici, c’est une formule vaine couchée sur papier, et mort-née par définition.

Norway of Life frappe surtout par l’imagerie complètement datée qu’il déploie, faite de paysages lunaires et d’envolées lyriques dignes de Birdy d’Alan Parker ou Brazil de Terry Gilliam. Des films que nous aimâmes un temps, certes, mais alors nous étions enfants, et le moment de leur pertinence est définitivement évanoui. C’est à peine si nous osons les revoir, il le faudrait pourtant, et nous le ferons avec une crainte et un frisson que Norway of life aura au moins servi à préparer, à défaut d’autre utilité.