Guadeloupe, de nos jours. Deux cailleras descendent un mafieux local. Avant les suspicions policière, le piège de leur misère sociale se referme sur eux. Voilà en deux phrases, le pitch de Nèg Maron, alternative politique qui tord le cou aux clichés exotiques et premier film de Jean-Claude Flamand Barny. Petite sommité du coin pour ses pubs (Outremer Télécom) et ses clips (Doc Gyneco, Kassav), Barny est en quelque sorte l’alter égo Dom-Tom de Matthieu Kassovitz, dont il fut d’ailleurs l’assistant : même volonté de se poser en porte-voie des rebelles de la société moderne sans en être directement issu, et même fascination pour les cinéastes américains des années 70, principalement Scorsese. Pas étonnant donc, de voir le réalisateur de la Haine impliqué dans le film, ici co-producteur et grand frère spirituel. Nèg Maron n’est d’ailleurs que ça : un film de petit frère, une suite logique qui ronronne tranquille, à la fraîche, comme une affaire de famille.

Ce qui donne au film une dimension aussi étriquée qu’attachante. Pour dépeindre les quartiers craignos des Tropiques, Barny n’a pas l’idée du siècle mais a au moins le mérite de transposer assez justement une représentation de la cité que ne renierait aucun rappeur: mères-courages vénérées et droites comme la justice, pères aux abonnés absents (celui de Josua, le héros, carbure au rhum), solidarité vénéneuse du groupe de potes, même l’humour de bouffon est là, sans oublier les combines à la petite semaine. Un conformisme qui donne même à l’ensemble un parfum de citoyenneté internationale, « genre tous unis, du même quartier » qui vaut son pesant d’émotion. Encore une histoire de parrainage plutôt sympa où les pointures nationales (Stomy Bugsy) et locales (les acteurs principaux sont les deux rappeurs du moment) jouent main dans la main, égalitaires, soudés à la vie à la mort.

Et Barny ne se lasse pas d’intégrer l’Internationale de la violence urbaine. Entre les forums politiques, les békés corrompus et nostalgiques de l’esclavage, ça dénonce sec à tous les coins de rue, ça balance pas mal dans les meetings (consternants de naïveté), mais ça finit par simplifier au maximum les enjeux du film, réduit à un plaidoyer contre les injustices de la société. Relégué à l’imagerie, hyper maladroit dans l’action, le cinéma en prend un coup dans l’aile. Barny a notamment du mal avec la structure. On le sent attiré par l’âpreté du genre thriller mais c’est toujours vers le discours sociologique, le naturalisme surjoué qu’il fait grimper poussivement l’intensité de la cavale. Au moins le film existe et avec lui de nouveaux espoirs. De Pointe-à-Pitre au « neuf-trois », le décor est posé. Ne reste plus qu’à tourner.