Mumu est de ces films dont la déconcertante absence d’ambitions participe à la fois du charme (désuet) et de la vanité. En somme, voici un film – marquant par ailleurs le retour de Joël Séria, signataire entre autres des cultes Galettes de Pont-Aven – dont l’anonymat, la parfaite absence de relief, constituerait l’« identité ». Peu de surprise, au fond, à constater dès le générique que l’objet sera bien à l’image de son titre, suivant de manière assez plan-plan les mésaventures d’un gosse mal aimé, sauvé in extremis par sa rencontre avec une institutrice grognarde dans une petite école de village de l’après-guerre. Vintage, Sylvie Testud incarne le rôle titre avec un certain entrain, entourée par un casting de bonnes bouilles franchouillardes bien connues (Dominique Pinon, Bruno Lochet, Jean-François Balmer…), sachant que la conformité de l’acteur au cliché auquel il s’apparente dans la mémoire collective restera la ligne claire d’un film ne se posant jamais la question du contre-emploi.

Ce confort, sans rendre Mumu antipathique (moins en tout cas que d’autres sous-produits populos aux ambitions plus manifestes, tels que Le Petit Nicolas ou les Choristes), interdit fatalement toute divagation, le film n’étant à prendre qu’à la stricte hauteur de son trait : celui de vignettes immémoriales, tout droit sorties du souvenir ému d’un auteur essentiellement soucieux de plus value autobiographique. Une certaine bienveillance amène certes à se laisser amadouer ici et là par cette forme d’éternité tranquille, à ne pas prêter à ce film des intentions conservatrices qui sans doute le dépasseraient. Mais une autre bienveillance obligerait aussi, en ces temps de grande confusion quant à la notion de « francité », à ne pas faire l’impasse sur le caractère problématique de pareil retour en vieille France. L’inactualité de Mumu, le fait qu’il nous arrive aujourd’hui dans le premier degré d’une pleine adhésion au monde qu’il dessine, le moelleux d’un éternel hier est aussi ce qui, étrangement, l’actualise tristement.

Pas grand chose à attendre, donc, de ce Mumu inoffensif et vieillot. A ceci près que, pour reprendre les mots d’Éric Naulleau (invité vedette de Chronic’art #63) lors du passage de Sylvie Testud sur le plateau d’On n’est pas couché, quelques scènes étonneraient presque sur le moment par leur brutalité. Le désamour parental (déroutante scène où le gamin se fait battre par son père), la difficulté à braver les interdits sans que s’ensuive une conséquence s’incarnent en effet le temps d’élans inattendus, insuffisants hélas à donner durablement chair aux séquences qui les accueillent.