De Mr. Brooks, on peut se dire qu’avec une petite vingtaine d’années en moins, son casting serait digne d’une superproduction Bruckheimer. Aujourd’hui rassemblés dans ce polar de récup’, Kevin Costner, Demi Moore et William Hurt se battent comme des chiffonniers pour se refiler la palme de la ringardise. Costner récupère quand même le beau rôle : bon père de famille le jour, serial killer la nuit, il se démène entre un Gemini Criquet dézingué du bulbe (William Hurt, double maléfique qui le pousse à tuer : attention schizophrénie) et l’enquêteuse brillante et très pro qui le traque (Demi Moore). A la raideur de la Moore, aux gesticulations de Hurt, l’acteur oppose son empâtement souverain. Depuis qu’il nage dans la lose (le beau Waterworld, 1994), Costner sait travailler à même son mythe – celui d’un authentique héros américain – malgré les tares qui ont contribué à le définir : naïveté et hébètement. Personne mieux qu’Eastwood (Un Monde parfait), sinon Costner lui-même dans les films qu’il a réalisés, n’a su exploiter cette singulière dichotomie.

Même la fange dans laquelle le roule ce monsieur Brooks ne le dément pas : la neutralité patraque de la mise en scène ne peut qu’observer le tueur de sang froid redevenir chaque matin le sympathoche Kevin. Pendant ce temps, le film tourne. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas à l’eau minérale : entre autres répliques et rebondissements hilarants, un témoin occulaire des facéties nocturnes de Kevin le prend en otage pour qu’il lui apprenne à devenir lui aussi serial-killer. On passe ainsi du buddy-movie (Costner-Hurt) au triso-movie sous acides (le type s’adjoint au duo), avant qu’une quatrième apprentie tueuse, pour raisons génétiques cette fois (la fille de Kevin), se révèle attirée par le goût du meurtre. L’ensemble est souvent rigolo, complètement à la masse et permet même à Costner, dans cette incroyable bouillie filmique, de rayonner un peu. En bon Die hard du nanar, il se tire avec quelques éclats de grande classe (au resto ou lors d’un discours en public) de ce traquenard sans nom.