Kevin MacDonald, qui est un peu le Alain Decaux new age du documentaire historique, se penche sur le cas Klaus Barbie. Du nazi sanguinaire, le grand public ne connaissait que le chef de la gestapo lyonnaise, et les images eighties de son jugement quarante ans plus tard, extradé par Serge et Beate Klarsfeld. A ces épisodes, Mon meilleur ennemi ajoute sa cavale en Allemagne puis en Amérique latine. Où l’on découvre ses activités d’espionnage pour le compte de la CIA puis son exil en Bolivie d’où il orchestre la politique de terreur du dictateur Hugo Banzer Suarez. Bref : ce type n’a jamais cessé sa profession de nazi, combattu puis instrumentalisé en arme fatale contre le communisme. Malaise et questions morales en perspectives.

Honorable exercice de vulgarisation que Mon meilleur ennemi, version light des 4h27 d’Hôtel terminus de Marcel Ophuls. Comme pour Un Jour à Munich, restitution des attentats aux JO de 1972, on sent une fascination du cinéaste pour l’image d’archive en tant qu’esthétique vintage chic. Le film confirme surtout son excitation du scoop dans sa dimension la plus naïve, mais assortie d’une générosité pédago plutôt saine. Il est clair que Mon meilleur ennemi ne se la raconte pas, appliquant les fondamentaux du genre (le docu-spectacle) avec un esprit studieux qui confine à l’extase. La star ici, c’est Barbie, droopy machiavélique dont on guette la réapparition à chaque coin du monde, décrit d’ailleurs ici comme un pur cliché du nazi d’Hollywood, sourire pervers et cravache claquant sur ses bottes. On reste en surface : beaucoup de faits, de recoupements, de photos du boucher de Lyon, sa maison bolivienne, sa famille, des témoignages alternant entre révélation et incarnation croustillante. Barbie triturait les plaies des résistants, Barbie lâchait des Heil Hitler lors d’un dîner arrosé en Bolivie, Barbie se vantait d’avoir orchestré la mort du Che entre deux voyages en Europe où il dépose une gerbe de fleurs pour Jean Moulin au Panthéon. Une hagiographie inversée qui n’exclut pas la fascination propre au biopic, genre auquel le cinéaste s’est récemment essayé avec Le Dernier roi d’Ecosse, portrait d’Amin Dada.

La méthode a évidemment ses limites. Survoler en 90 minutes un matériau aussi dense que l’occupation et la guerre froide s’avère logiquement superficiel. En témoigne le fil rouge de la récupération des cerveaux fascistes par l’Amérique, que MacDonald considère plutôt comme une perspective réduite à un strict commentaire sur image ; stigmatisation répétée, confirmée par les uns ou les autres, mais jamais vraiment étayée. On ne s’y trompe pas, l’illustration tient la vedette, sans jamais prendre le spectateur par défaut : quête du plan qui tue, de l’anecdote en béton, de l’horreur politique. Mon meilleur ennemi est un conte qui s’ignore (le film ne jure que par une objectivité clean mais assez vaine), un conte progressiste qui dilue le questionnement en récitation. Avec Barbie en ogre de cinéma, que MacDonald se refuse non sans délice cathartique à exploiter comme tel.