Après le Saturday Night live (Fatal), les Monty Python (King Guillaume de Pef) ou Judd Apatow (Cyprien), la comédie française adapte le « documenteur » à la Christopher Guest. Le pitch de Moi Michel G, milliardaire maître du monde ne s’en cache pas : caméra au poing, un Michael Moore parisien (Lafitte) accompagne Michel Ganiant, un grand patron médiatique (Demaison) dans son quotidien d’odieux puissant, son reportage correspondant au film. Si le résultat final n’arrive pas à la cheville de Spinal tap ou de Bêtes de scène, l’essai reste validé, ou plutôt disons moins foiré que les greffes hollywoodiennes tentées précédemment chez nous. Sans doute parce que ce genre-là est plus universel que les autres, peut être aussi parce que la télé française, entre esprit Canal et autres traditions parodiques (des Inconnus aux Guignols de l’info), fournit au film un background culturel que celui-ci exploite avec délice.

Contrairement à un Fatal, par exemple, Moi Michel… n’a donc pas besoin d’inventer un imaginaire hybride fait d’Amérique (fantasmée) et de France (refoulée). Il n’a qu’à s’amuser à détourner des réunions syndicales et autres conseils d’administrations sur un territoire bien pourvu en la matière ; territoire où pullulent les figures emblématiques et dont la principale – Jean-Marie Messier – possède un potentiel d’efficacité comique incontestable. Cette densité autorise même le film à se vautrer formellement dans la médiocrité. Gags, parodie, mise en scène : en dépit de quelques éclairs (la participation très drôle de Guy Bedos en banquier mentor de Michel Ganiant), tout ou presque, est pataud, grossièrement dessiné, à l’image du tandem Demaison-Lafitte. Et pourtant, rien n’y fait : le concept porte le film à bout de bras, lequel fonctionne malgré tout. De cette foi inébranlable dans les lois du genre, il se dégage une agréable pugnacité qui n’est pas sans lien avec le fond de l’affaire – conduire la critique du capitalisme financier quel qu’en soit le prix. Michael Moore est alors tressé à Christopher Guest : entre deux tranches de vie grotesques de Michel Ganiant, le cinéaste insère des clips animés qui vulgarisent les manoeuvres douteuses des capitalistes spéculateurs. Là encore, cela pourrait être moins laid et plus drôle, mais le message passe quand même.