Deuxième film de Joe Carnahan, promu wonderboy après Narc, petit polar indépendant en 2003. Scénario tarentule au centre duquel trône un magicien mafioso, le nez brûlé de coke, traqué par une dizaine de bad guys et une escouade de flics, vendus ou non. Le film zappe d’un point de vue à l’autre, les trie par genres, les re-mélange puis les ré-aligne façon collec’ de Pokemon. Chacun son truc : dégénérescence néo-nazie, glamour de pin-up R’n’B, costards lamés ou masque en latex.

Il faut, c’est sûr, un indéniable savoir-faire pour assembler ce casse-tête frelaté à l’esprit kakou. Dans Narc, la virtuosité flirtait dangereusement avec l’épate, même si le réalisme du genre sauvait la mise. Au point qu’à l’époque Carnahan fut comparé à Friedkin, sûrement pour sa manière intuitive de capter la brutalité en une image, le cynisme en moins. Au moins Mi$e à prix règle l’affaire : en s’attelant à pareil film, Carnahan met son avenir en veilleuse. Qu’il puisse tourner un bon truc reste toutefois envisageable, car son potentiel, enfoui sous une épaisse couche fun criarde, sauve le film du naufrage intégral et lui permet de doubler Guy Ritchie à l’amicale des cinéastes bling-bling. Jongler avec le récit, l’étirer, le rouler en boule puis le déplier avec une insolente clarté, organiser les espaces, marier l’infiniment grand et petit, voilà qui n’est pas forcément imputable au commun des faiseurs.

Ne manque plus qu’un cerveau à irriguer, un truc à dire, à aimer, un truc. Cet objet a la bêtise pour moteur, sorte de parasite gigotant sur son seul os à ronger : une sous-tarantinade plus série Z que flamboyante. Pourtant, Carnahan se voudrait baroque et punk, il lâche les couleurs, brouille mélo et ironie. Mais faute de talent graphique (s’il est doué narrativement, son esthétique pubarde est absolument atroce), il se barbouille de ketchup, croquignole ses clichés au marqueur. Mi$e à prix ou le cauchemar du wonderboy : ricaner à chaque plan comme un jeune fumeur de pétards, se shooter au fun jusqu’à en vomir, sacrifier à la frime jusqu’au moindre enjeu.