Alors que le bushisme pique du nez, le zombie de Romero s’impose comme la nouvelle borne idéologique du cinéma fabuliste. Réactivé par Zack Snyder (version MTV), Edgar Whright (version parodico-british) puis par le vieux lion en personne (Land of the dead), la résurrection du modèle se prolonge avec Fido, fantaisie horrifique en quête de sophistication. On connaît la chanson : irradiée par un nuage nucléaire, l’humanité voit ressurgir ses morts. S’ensuit une guerre entre morts et vivants, la vague d’un repli communautaire, jusqu’à ce qu’une entreprise toute-puissante mette au point un collier domestiquant les zombies. Prolongement cyniquement pacifiste du Jour des morts-vivants : les zombies tondent la pelouse, débarrassent la table et accessoirement, jouent les amants auprès d’épouses délaissées dans leur home sweet home. Telle est la condition de Fido, cadavre exquis dont la bonté émoustille Carrie-Ann Moss.

Scénario clair, structuré par un habillage fifties. Pour résumer, Douglas Sirk meets Romero. Le film tient la pose sans forcer, sûr de son fait. Andrew Currie n’a de cesse d’affiner son univers, construisant une micro-société que les saillies politiques et une truculence de chroniqueur animent plutôt finement. Le plaisir reste volatile (on scrute les voisins, on se nourrit de détails et de variations : le zombie jardinier, la zombie fiancée, etc.) mais permet à l’ensemble de ne pas s’encroûter dans un pudding maniériste. Il est si tentant pour la mise en scène de se cantonner à l’observation malicieuse qu’elle prive l’intrigue de véritables enjeux.

On sent même Currie contrarié à l’idée de délaisser sa petite étude de mœurs au point que le scénario, point d’ancrage par défaut, la dégonfle comme une baudruche. La subversion initiale (dénoncer le conservatisme et la propagande étatique) se retourne alors comme une crêpe mal cuite : joie molle à l’idée de tout casser, impuissance des personnages à dépasser le seuil de la (bonne) caricature, cruauté à la petite semaine. Le finale tente une quadruple boucle piquée pour se reposer en statu quo à peine écorné : les bobonnes prennent le pouvoir (comme son nom l’indique, Fido n’est rien qu’un toutou sympa) tout en restant aux fourneaux. Seule certitude, Andrew Currie n’a fait le film que par pure coquetterie. Si ça l’amuse, il nous reste le magnétisme racé de Carrie-Ann Moss.