Depuis la publication de son manga-fleuve Metropolis en 1949, Osamu Tezuka (auteur, entre autres, d’Astroboy, du Roi Léo, père fondateur du manga) a toujours démenti avoir visionné l’œuvre homonyme de Fritz Lang. Seule une photo de l’inoubliable androïde femelle du film expressionniste aurait fourni un point de départ « graphique » au manga de Tezuka, par ailleurs hautement influencé par le design des comics US de l’époque et donc des travaux de Walt Disney. En adaptant la bande-dessinée originale pour l’écran large, le scénariste Katsuhiro Otomo (Akira) s’est réapproprié l’oeuvre de Tezuka… Il a fusionné les deux oeuvres et inséré ses propres obsessions. Evidemment les velléités crypto-marxistes et les allusions à la menace fasciste peuvent sembler un peu moins pertinentes dans le contexte actuel. Mais ce qui frappe vraiment dans Metropolis, en dehors de son esthétique schizoïde -entre lourdeur steampunk et clins d’œil gracieux à Paul Grimault, entre rondouillardise tezukienne et images de synthèses « mecha »-niques-, c’est surtout l’envahissante présence de son scénariste.

L’auteur original et le réalisateur Rintarô ne font que servir la vision monomaniaque d’Otomo pour l’architecture urbaine tentaculaire et futuriste. Metropolis pourrait d’ailleurs presque clore une trilogie japanim’ sur la cité SF-asiatique, qu’elle soit rigide et imposante (Akira) ou désordonnée et sinophile (Ghost in the shell). Mais Otomo est un architecte-destructeur, il n’aime rien tant qu’anéantir ce qu’il a construit, et le schéma apocalyptique d’Akira finit ici aussi par se répéter, même si la ville dantesque et rétro-futuriste de Metropolis semblent très éloignée du Neo-Tokyo d’Akira. Otomo sait aussi casser le joujou des autres. En dehors de ses fulgurances otomo-esques, Metropolis n’a pas grand-chose d’autre à proposer que son impeccable habillage cello/numérique et sonore old’jazz de Toshiuki Honda. L’intrigue souffre sans doute un peu trop de ses ellipses, de ses automatismes nippo-SF et d’un manque de développement de ses personnages principaux. L’extase visuelle tend aussi parfois à l’onanisme, mais Metropolis demeure une expérience esthétique surprenante, orgasmique, et qui prouve une fois de plus l’indiscutable supériorité artistique de l’animation japonaise de masse sur son homologue américaine.