La comédie de moeurs française comme elle va, inepte, inoffensive, on est désolé pour elle. On veut dire : vraiment, on est confus pour le film, pour le tandem Levy, pour les comédiens, tant on est sensible, au fond, à l’indéniable capital sympathie qui perce la nullité de ce très gentil navet, son manque tout à fait décomplexé d’ambitions, sa belle application à rater le moindre raccord, la plus petite situation, comme si l’on s’employait moins ici à remplir les multiplexes qu’à creuser cette poésie du ratage dont Noguez délivrait les clefs voilà quelques années. Pitchons. On découvrait l’histoire, adaptée d’un fleuron fameux du roman ferroviaire, puisque, pour une raison qu’on ne s’explique pas tout à fait, on n’a jamais réussi à trouver le temps de se plonger dans l’oeuvre de Marc Levy. Mathias, gentil quadra et père célibataire un peu déglingue, déboule dans le quartier français de Londres et propose à Antoine, vieux copain, gentil quadra et père célibataire un peu ronchon, de partager le même toit, avec leurs marmots respectifs. Tout le monde est content, les pères, les rats, les copains autour, mais voilà : Mathias tombe amoureux d’une gentille journaliste. Problème « adulescent », comme on dit chez Marie-Claire : que choisir, de l’utopie patachon de la coloc’, ou de la promesse de l’amour ?

Quand même, prenons le film au sérieux deux minutes et interrogeons ce qu’il dit de l’époque. D’abord, une question de cinéma, que l’on se pose tout au long de la projection. Que le film ressemble à la version interminable d’un spot pour Danette pose question, et c’est une question sérieuse : quelle est aujourd’hui la pérennité de tels films, y a-t-il encore une place pour ce type de cinéma quand tout l’enjeu de ses récits (saisir l’époque, tout ça…) se trouve condensé ailleurs en une poignée de secondes, et avec une efficacité parfois admirable, dans le flot quotidien des pubs télé ? Autre chose, sur le versant sociétal post-C’est mon choix du film. Mes amis, mes amours, même s’il en reconduit tous les clichés jusqu’à la nausée, est finalement moins agaçant que d’autres archétypes récents de ce genre de comédie de moeurs, mais on y retrouve une même obsession : toujours, la camaraderie doit s’y dessiner comme une enclave (ici, le quartier français de Londres : pas un Anglais à l’horizon) ; toujours, la communauté y est un îlot, un entre-soi barricadé dans l’éternel bégaiement du Même. Pas si sympa, au fond.