Un remake hollywoodien de Massacre à la tronçonneuse : l’idée en soi est aberrante quand on sait les conditions dans lesquelles fut réalisé le monument de Tobe Hooper, produit de pure contre-culture et d’opposition à tous les canons en cours dans le cinéma de genre américain. Avec de plus Michael Bay aux commandes, comme producteur, le tout sentait moins la poudre que la grosse daube en bonne et due forme. La surprise est pourtant là : Massacre 2003 est un film qui, sans trouver un véritable équilibre, une place entre lui et l’original, s’inscrit dans la vraie tradition de l’horreur US des années 70. Pas une once de second degré, un style coupant, et l’épouvante comme seul moteur dramatique.

Retour aux sources : le film reprend, de trop loin ou de trop près, les séquences mythique du premier. De là un effet inattendu : scène de l’auto-stop, découverte de la maison des monstres, poursuite dans la nuit, toutes les scènes sont bien présentes mais rejouées sur un autre mode, comme une variation, un karaoké dont on ne sait à aucun instant où et quand il va bifurquer, rompre, s’émanciper de la scène initiale. Ces effets de croisement, de dilatation ou au contraire de rétrécissement (la scène de famille quasiment réduite à néant) créent un suspense qui doit autant à la position du film par rapport à l’original (une façon de couper avec lui tout en le gardant toujours en ligne de mire) qu’au talent pur de mise en scène qui s’y déploie. Là encore pourtant, c’est de l’original que le film tire son principe d’efficacité : non pas de la réalisation de Marcus Nispel, difficilement identifiable dans sa succession incontrôlée de scènes, mais dans la photographie de Daniel Pearl, déjà à l’oeuvre sur le premier, qui fait office de lien entre les deux films.

C’est que ce Massacre à la tronçonneuse, contrairement à l’original, est plus un film de « plans » que de « scènes », à la limite tout juste une accumulation de micro-séquences ne valant que pour elles-mêmes. On peut douter du réel talent de Nispel, mais celui de Pearl est quant à lui intact. Passé entre temps par le clip, son style retrouve la sale clarté texane de la version initiale tout en y apportant de légères modifications, si bien que tout le film devient un objet visuel tiraillé entre found-footage et relecture, repiquage littéral de certains plans et relecture d’autres. Le pouvoir d’effroi des monstres et des figures de l’original, comme subitement passé de l’autre côté du miroir (du documentaire à la fable, la forêt semblant désormais surgie d’un conte des frères Grimm) est préservé. Loin des bouffonnades auxquelles le genre nous a récemment habitué, Massacre à la tronçonneuse, par éclats, au détour d’un plan, foudroie et terrifie. L’essentiel est sauf.