Marie-Line, responsable d’une unité de nettoyage dans une grande surface, est le paradoxe fait femme. Milite au FN mais écoute de la musique arabe, vacharde avec ses employées mais première à les défendre et à les protéger, taille des pipes à son patron tout en rêvant du grand amour, revêche d’apparence mais présidente du fan-club de Joe Dassin… La liste est longue, tant Mehdi Charef cherche à faire endosser tous les rôles à son héroïne. Et il n’est pas question d’une quelconque progression, d’un nœud gordien favorisant le basculement d’une Marie-Line vers l’autre. D’emblée, celle-ci incarne la Gestapo et la compassion, la furie et la faiblesse. Ce n’est pas une actrice qui eût été nécessaire ici, mais un monstre de cinéma à la palette de jeu suffisamment ample pour pouvoir se plier aux exigences schizophrènes d’un tel personnage.

Alors, vers qui s’est donc porté le choix de monsieur Charef pour donner vie à Marie-Line ? L’hologramme de Katharine Hepburn ? Une vieille actrice décatie sortie de l’écurie Fassbinder ? Madame de Fontenay ? Michel Galabru ? Renée Saint-Cyr ? Mauvaise pioche : cette lourde tâche a été confiée à l’impératrice du bon comique pesant à la française, alias Muriel Robin. Etant donné le résultat, on est prêt à parier que même Anne Roumanoff aurait mieux fait l’affaire. Mais visiblement impressionné par les sketches de la Robin, dont le fameux « Comment ? Il est noir ? Noir-noir ?… » (Marie-Line, c’est presque ça), l’auteur du Thé au Harem d’Archimède a pensé que le potentiel de la comédienne méritait d’être révélé au grand jour. Pas de chance. Car, contrairement à ce que semble croire la copine de Jacquouille, un film n’est pas un one-woman-show. Se sentant obligée de grimacer pour faire passer la moindre émotion, Muriel Robin n’est crédible ni en petit chef ni en animal blessé. Et lorsque le cinéaste la filme en train d’imiter Joe Dassin ou de se faire baiser (gros plan du visage suintant et grognant), le ridicule bat son plein. Et pour nous, la gêne de devoir assister à pareil ratage, à une performance si chargée et tellement à côté de la plaque.

Quant à Marie-Line le film, il s’agit d’un objet purement démagogique, jouant au yo-yo avec son spectateur comme la protagoniste avec ses subalternes. Exemple : une femme de ménage noire cherche à cacher son mari et ses enfants, immigrés clandestins. Hurlements de Fraülein SS : « Ta tribu n’a qu’à rester dehors ! » Deux ou trois plans plus tard, on découvre la famille dans le vestiaire du personnel, car « Marie-Line, contre toute attente, cache un cœur d’or ». Et ce système éminemment roublard de se répéter séquence après séquence, jusqu’au générique de fin. Marie-Line ou le politiquement correct dans ce qu’il a de plus écœurant.